Face aux effets de la guerre, le sentiment anti-ukrainien gagne du terrain en Pologne
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Après avoir fait preuve d'une solidarité exemplaire auprès des Ukrainiens au début de la guerre, en accueillant 1,4 million de réfugiés, les Polonais sont de plus en plus frileux à l'idée d'aider leurs voisins en guerre. Le pays commence à ressentir les effets du conflit, et ces derniers mois, un sentiment anti-ukrainien s'est développé dans les sphères politiques comme économiques.

De notre correspondant à Varsovie,
« Écoutez, la pauvreté en Pologne est si grande qu'on l'entend même gémir ». Konrad fend des bûches de bois pour alimenter le brasero autour duquel sont rassemblés ses collègues en plein milieu de l'autoroute, juste devant le poste frontière de Dorohusk. Depuis bientôt deux semaines, les transporteurs polonais bloquent les points de passage vers l'Ukraine. Leur principale revendication, la réintroduction d'un permis de passage de l'Ukraine vers l'Union européenne pour les poids lourds.
« Malheureusement, aujourd'hui, les véhicules ukrainiens passent la frontière comme ils veulent et ils nous évincent du marché du transport européen, pas seulement nous, les Polonais, mais aussi les Slovaques, les Hongrois. C'est pourquoi on veut le retour de ce permis de passage », explique le Polonais.
En tant que voisin de l'Ukraine, la Pologne est le premier pays européen à ressentir les effets de la guerre. En septembre déjà, la fin de l'embargo sur les céréales ukrainiennes avait déclenché la grogne des agriculteurs polonais, incapables de faire face à la quantité et au bas prix des marchandises venues d'Ukraine. « On est comme les agriculteurs, on n'a plus nulle part où vendre nos services, car on ne peut plus rivaliser en termes de prix. Les coûts de production sont supérieurs au prix de vente. Malheureusement, l'Ukraine nous inonde avec leur marchandise ici et c'est le même problème avec le secteur du transport », déplore Konrad.
Face à eux, une file de camions qui s'étend sur plus de 40 kilomètres.
L'Ukraine, l'ennemi lors du jour de l'indépendance polonais
Mi-novembre, quelques milliers de personnes se sont rassemblées à Wroclaw, la troisième ville du pays, pour célébrer le jour de l'indépendance.
Chaque année, le cortège nationaliste pointe du doigt un ennemi commun à la Pologne. Après la communauté LGBT et les Allemands, c'est désormais autour des Ukrainiens d'être ciblés cette année.
Dans les rangs du cortège, les manifestants regrettent la générosité dont a fait preuve leur gouvernement, lorsqu'au plus fort de la guerre, il a accueilli plus de 1,4 million de réfugiés sur son sol. Beaucoup sont venus manifester le visage cagoulé, mais Kasia, elle, s'exprime à visage découvert. « Je suis là pour manifester contre l'afflux énorme d'Ukrainiens dans notre pays et l'aide exceptionnelle que leur offre notre gouvernement, car je ne suis pas d'accord avec ça. Personne ne m'a demandé mon avis et ça se fait avec mon portefeuille. »
Un discours individualiste qui s'est répandu dans le pays durant la période électorale de cet automne. Plusieurs partis politiques ont fait campagne en présentant les réfugiés ukrainiens comme des profiteurs. De quoi refroidir les interactions entre les Polonais et leurs voisins.
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