En Bolivie, «Notre maison» soutient les survivantes de violences sexuelles
Publié le :
C’est la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. En Bolivie, selon les dernières études du défenseur du peuple de 2015, environ 34% des filles et des adolescentes sont victimes d’agressions sexuelles avant l’âge de 18 ans. Dans le monde, ce chiffre est d’environ 20%. À Cochabamba, « Notre maison » accueille, depuis 2005, quinze mineures qui ont été victimes d’abus ou de violences sexuelles pour les accompagner vers la réparation.
De notre correspondante à La Paz,
Ce lundi matin, au programme, c’est un atelier « apprendre à reconnaître et à gérer ses émotions » pour les bénéficiaires du centre Notre maison, à Cochabamba, au sud de la Paz. Ce centre met à l’abri des jeunes filles d’entre 9 et 17 ans victimes d’abus sexuels au sein de leur foyer.
Au tableau, elles doivent écrire l’émotion qu’elles connaissent le mieux. Daïra choisit la honte. La jeune femme a été violée par son beau-père à partir de ses 8 ans et avant que la honte n’apparaisse, elle se confiait à sa sœur, aussi victime.
« Nous en parlions quand nous étions très jeunes, nous disions “oh, il m'a fait ceci”. Puis nous avons commencé à grandir, à comprendre et nous n'en avons plus parlé, parce que nous avons commencé à avoir honte et que nous l'avons aussi normalisé », raconte Daïra.
Se sentir en sécurité
À 17 ans, lorsqu’elle trouve le courage d’aller porter plainte, Daïra ne se sent pas soutenue, mais plutôt jugée par les autorités. « Je suis allée à la police et ils ne savaient pas quoi faire. Ils m'ont dit que je mentais, que j'inventais des choses », se souvient-elle. Les examens médicaux lui donnent raison et elle est mise sous protection au centre pour un an. Aujourd’hui, elle est partie comme prévu à sa majorité, mais elle continue de revenir de temps en temps pour voir les autres filles.
Pendant l’atelier, Daïra tient la main de son amie Ariana, arrivée au foyer à l’âge de 9 ans. Ici, ensemble, elles se sentent en sécurité. « Je me suis sentie bien ici quand je suis arrivée parce que je n'avais plus à me cacher. »
Chez elle, la jeune femme de bientôt 18 ans, subissait les abus sexuels de son oncle, sous le silence complice de ses parents. Son cas est loin d’être isolé. En Bolivie, 1 femme sur 3 est victime de violences sexuelles avant ses 18 ans. Et dans 8 cas sur 10, l’agresseur vit au foyer familial.
Un nouveau départ
Le centre Notre maison cherche à recréer un espace sain pour ces adolescentes et les accompagne dans la guérison à travers les tâches du quotidien et des activités, comme l’artisanat ou la cuisine. Gemma est satisfaite de cette méthode. « Ça fait partie de la thérapie, pour qu’on puisse aller de l’avant. Moi, j’aime cuisiner, ça m’aide à me distraire », explique-t-elle.
La chambre qu’elle partage avec deux autres filles de 16 ans est soigneusement décorée. Mais contrairement aux autres, Gemma n’a rien amené de chez elle. Pas une photo ou un poster. Pour elle, le centre Notre maison est un nouveau départ qui lui permet de prendre du recul sur son histoire : « Maintenant, je sais que même si c’était par peur, je ne dois pas me taire. »
Des crimes impunis
La Bolivie est l’un des pays où le taux de signalements pour ces affaires est parmi les plus bas de la région. Et ce, notamment à cause de l’impunité qui y règne.
Aujourd’hui, les agresseurs de Daïra, celui d’Ariana ou de Gemma n’ont pas été condamnés. Le père de Sofia a, lui, pris la fuite, après sa plainte. « Jusqu'à présent, nous ne savons pas où il se trouve. Et je dois vivre avec la crainte qu'il puisse venir. »
Vers 18h, les filles commencent à préparer le dîner en musique et dans la bonne humeur. Un moment privilégié qui leur permet de retrouver un peu de normalité dans leur quotidien.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne