«Les jeunes s’abstiennent beaucoup plus»: à Chypre, les élections européennes ne mobilisent pas
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À Chypre – à l’instar de Malte et du Luxembourg – ils sont six. Six députés européens à représenter l’île la plus à l’est de l’Union européenne, dont le territoire est divisé depuis 50 ans entre communauté grecque au sud et turque au nord. Sur cette île de Méditerranée orientale, où près de 700 000 électeurs sont appelés aux urnes le 9 juin, à la fois pour les européennes et des scrutins locaux, le risque d’abstention, en particulier chez les jeunes, interroge.

De notre envoyé spécial à Nicosie,
Le bureau nicosien est envahi par l’odeur du tabac et le bruit intermittent des travaux d’à côté. C’est ici que reçoit Ioannis Kasoulides, ex-ministre chypriote grec des Affaires étrangères et ancien député européen. Pour lui, le sujet qui domine la campagne, c’est l’immigration. « Nous, nous sommes beaucoup affectés par l’immigration. Tantôt à travers la ligne de démarcation, c’est-à-dire des étudiants qui arrivent de l’Afrique, vont à Istanbul, d'Istanbul à Chypre Nord et de Chypre Nord passent au Sud. Mais nous avons un autre itinéraire maintenant à travers la mer, tout particulièrement, des Syriens qui arrivent à Chypre », explique l'ex-ministre.
Au-delà des thèmes de campagne, la difficulté du scrutin, c'est de motiver les gens à voter. En 2019, le taux de participation aux européennes a stagné à 45% sur cette île marquée par l’impasse politique sur la réunification. « À Chypre, dans le passé, on n’avait pas ce phénomène d’abstention aux élections européennes. Une partie, c’est la non-participation des jeunes. Mais dans les élections nationales, c'est pareil : les jeunes s’abstiennent beaucoup plus », déplore Ioannis Kasoulides.
Une jeunesse eurosceptique
Certains, alors, prennent le contrepied, comme Evguenia Chamillou, avocate de 25 ans. Elle milite pour que les jeunes se comportent en citoyens actifs. Elle, qui a notamment étudié à Londres, se sent redevable de ce que l’Europe lui a apporté. « Ce qu’indiquent les études consacrées à Chypre, c’est que parmi les jeunes de 18 à 34 ans, le pourcentage de personnes euro-enthousiastes est très faible. Cela semble dû aux difficultés des jeunes – même si elles ne sont pas forcément liées en soi à l’Europe – comme le chômage, les problèmes d’argent, voire la question migratoire qui est une question existentielle à Chypre, mais aussi ailleurs en Europe. Au final, de plus en plus de ces jeunes deviennent eurosceptiques », précise Evguenia Chamillou.
À ses yeux, ces élections ont pourtant un supplément d’âme sur cette île divisée entre deux communautés. « Les européennes sont les seules élections où, Chypriotes grecs comme Chypriotes turcs, nous pouvons tous participer, tous candidater et tous voter. Un représentant de la communauté minoritaire turque a été élu lors des élections précédentes, c’est un signe d’espoir pour beaucoup, ajoute Evguenia Chamillou. Bien sûr, ce n’est pas parce que nous votons ensemble aux européennes qu’on peut en conclure que le problème chypriote est réglé. Nous n’en sommes pas là, mais je rêve que nous y parvenions un jour. »
En attendant, sur l’île, pour mobiliser l’électorat des jeunes, la classe politique a l’intention d’abaisser bientôt l’âge légal du vote à 17 ans.
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