Croatie: l'extrême droite au pouvoir, vue de la ville symbole de Vukovar
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Pour la première fois depuis l'indépendance de la Croatie, un parti ouvertement xénophobe et anti-serbe est arrivé au pouvoir. Suite aux élections législatives du 17 avril, le Premier ministre conservateur Andrej Plenković s’est vu contraint de former une alliance avec le Mouvement patriotique (DP, d’extrême droite). Le leader du DP, Ivan Penava, est le maire de la ville symbole de Vukovar, il y a mené une politique exacerbant les divisions, en instrumentalisant les traumatismes de la guerre et en attaquant la minorité serbe.

De notre correspondant à Vukovar,
Près de 30 ans après la fin de la guerre, Vukovar a été quasiment entièrement reconstruite et la ville dispose d'infrastructures modernes financées par l'Union européenne. Croates comme Serbes se côtoient tous les jours, mais les traumatismes du passé hantent toujours la ville. À 42 ans, Cristina travaille à la poste et au marché municipal. Elle a dû partir comme réfugiée avec ses parents en 1991 et elle a perdu plusieurs de ses proches lors du conflit.
« Peut-être que mon voisin ou d'autres habitants de nationalité serbe ont participé au meurtre des membres de ma famille qui se trouvaient à Vukovar dans les années 1990. Ici, les divisions sont entretenues dès le plus jeune âge, explique-t-elle. Vous avez des écoles qui suivent le programme serbe et d'autres le programme croate. Mais le problème, c'est qu'elles n'enseignent pas la même histoire. Pour certains, le 18 novembre 1991, Vukovar est tombée et pour d'autres, ce jour-là, elle a été libérée. C'est n'importe quoi. »
Ces divisions communautaires, le maire de la ville n'a cessé de les entretenir. Ivan Penava, 49 ans, est passé par le parti des conservateurs croates et il est aujourd'hui le chef d'une formation ouvertement xénophobe et révisionniste. Son mouvement patriotique vient d'entrer au gouvernement après avoir violemment attaqué les droits de la minorité serbe. À la tête de la mairie de Vukovar, il avait déjà fait interdire l'utilisation de la langue serbe et de l'alphabet cyrillique.
« Un terrain d'entraînement pour les combats politiques »
Comme beaucoup de Serbes de Croatie, Douchan Velimirovich s'inquiète de l'arrivée au pouvoir de cette coalition très à droite. « Vukovar est une ville qui connaît déjà des incidents interethniques, même s'il n'y en a pas beaucoup plus que dans d'autres villes. Mais à Vukovar, le moindre incident est scruté. C'est une ville qui se caractérise par une lutte entre les différentes nationalités. Cette coalition peut provoquer de nouvelles tensions », déplore-t-il.
Comme dans beaucoup d'autres villes d'ex-Yougoslavie, les habitants de Vukovar se sentent prisonniers des querelles politiques qui opposent toujours Zagreb et Belgrade.
« Les habitants de Vukovar sont mécontents parce que leur ville sert régulièrement de terrain d'entraînement pour les combats politiques. Mais nous, quelle que soit notre nationalité, nous essayons d'œuvrer à la construction d'une ville qui ne soit plus la même qu'avant la guerre, une ville qui serait une belle petite ville européenne », témoigne Djana Antunović Lazić, qui dirige l'ONG La Maison de l'Europe.
Une vision rassembleuse que ne partage pas le nouvel exécutif croate. Pour son entrée au gouvernement, l'extrême droite anti-serbe a obtenu trois ministères importants, Agriculture, Économie et Démographie. Le maire de Vukovar, quant à lui, a été élu vice-président du Parlement.
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