Russie: deux mois après l'attentat du Crocus, le sort des travailleurs tadjiks en suspens
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Deux mois après l'attentat qui a fait 143 morts dans la grande banlieue de Moscou, une question est toujours sur la table : le sort des travailleurs migrants tadjiks en Russie. Une nécessité vitale pour l’économie du Tadjikistan, un besoin pour la Russie dont l’économie en surchauffe a besoin de bras.

De notre envoyée spéciale à Douchanbé,
Au départ de Douchanbé pour Moscou, le même processus depuis bientôt deux mois : un passeport scruté sous toutes ses coutures, un visa pour la destination vérifié de manière démonstrative, appuyée et même rugueuse : « On a eu trop d’amendes pour irrégularités » s’est justifié lors du passage de RFI le préposé aux contrôles de la compagnie aérienne.
C’est que depuis l’attentat du Crocus, la Russie passe au peigne fin tout vol en provenance du Tadjikistan, mais pas seulement. Cela fait 15 ans que ce voyageur tadjik qui a souhaité garder l’anonymat, fait la navette entre les deux pays et il est inquiet : « Dès le mois d’avril, énormément de compagnies volant entre les deux pays ont refusé de prendre des Tadjiks à leur bord. Northwind et Utair par exemple. D’une manière générale, tout trajet est devenu extrêmement compliqué. Il y a eu aussi une période où l’aéroport de Vnukovo à Moscou refusait carrément tout le monde. C’est même arrivé au point où l’ambassadeur de Russie au Tadjikistan a été convoqué par le ministère des Affaires étrangères. »
« Ils peuvent nous déporter au pays »
Une tension totalement inédite entre deux pays réputés pour entretenir un partenariat sécuritaire particulièrement étroit. Reste que la dépendance économique de Douchanbé vis-à-vis de Moscou est énorme. Le PIB de ce pays très fermé, ultra autoritaire dépend à plus de 40% des transferts des migrants en Russie. Beaucoup ont fui dans les jours qui ont suivi l’attentat comme cet homme qui a lui aussi demandé l’anonymat : « Je travaillais comme livreur, et la police s’était mise à m’arrêter très souvent, deux à trois fois par semaine. Il y avait des barrages de police partout, et ils vérifiaient tout permis de conduire, les passeports, ils prenaient les empreintes. J’avais très peur et je ne voulais pas avoir de problèmes, vous savez, ils peuvent nous déporter au pays et nous interdire de séjour très longtemps. »
Pendant ce temps-là en Russie, ils sont nombreux, notamment dans le secteur du bâtiment, à chercher des bras. C’est le cas de ce chef d’équipe tadjik : « J’ai énormément de propositions, mais je n’ai pas assez d’hommes qualifiés, et je n'arrive pas à honorer toutes les commandes pour lesquelles je m’étais engagé. Mes clients sont mécontents, car tous mes chantiers ont pris du retard. Mais qu’est-ce que je peux y faire ? »
Parmi les travailleurs toujours autorisés à travailler en Russie, la volonté de retourner pour mieux y gagner sa vie semble intacte, mais ils sont nombreux à dire avoir encore besoin d’être rassurés.
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