Au Japon, les jeunes de moins en moins intéressés par la parentalité, les autorités s'inquiètent
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Ce dimanche 7 juillet, les Tokyoïtes se rendent aux urnes pour élire leur gouverneur, et l'enjeu n°1 de la campagne, c'est la dénatalité, qui frappe la capitale et, au-delà, l'archipel tout entier. Les chiffres en la matière sont catastrophiques : en 2023, le Japon a perdu très exactement 848 659 habitants, car il a recensé deux fois plus de décès que de naissances. Ce chiffre, rendu public il y a peu, affole les autorités, car la Sécurité sociale va droit dans le mur : à terme, qui paiera les retraites dans un pays où l'on vit de plus en plus vieux, mais qui compte de moins en moins de jeunes ? La question clé, c'est de savoir pourquoi les Tokyoïtes ne veulent plus faire d'enfants. Éléments de réponse dans la capitale nippone.

De notre correspondant à Tokyo,
Bien qu'ils soient en couple, ces Tokyoïtes interviewés, âgés d'une trentaine d'années, n'envisagent pas d'avoir d'enfants, certains pour des raisons économiques, comme l'explique une jeune femme : « Comme 40% des salariés, mon copain et moi n'avons qu'un emploi précaire : sous-statutaire et irrégulier. Donc, on n'a pas les moyens de fonder une famille. Au Japon, ça coûte cher de scolariser les enfants... » Une autre femme pointe du doigt le problème du logement : « On vit dans un studio minuscule. Avoir des enfants impliquerait qu'on déménage, mais, vu le montant des loyers, on ne peut pas se permettre de louer un appartement plus grand ».
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Les cadences de travail ont aussi des conséquences, comme l'explique un trentenaire, lui aussi en couple : « Je fais tellement d'heures supplémentaires que, le soir, quand je rentre à la maison, j'ai juste envie d'une chose : de dormir, et pas de faire des bébés... »
« Il me semble qu'il y a des perspectives de vie plus intéressantes que d'être maman et femme au foyer »
Au-delà, le couple et la vie de famille ne font plus d'office rêver les jeunes Japonais. Les sondages l'indiquent et ces étudiants le confirment : « Si j'étais marié et père de famille, je rentrerais si tard du boulot que je ne verrais mes enfants que le week-end et c'est ma femme qui devrait tout faire à la maison. Non merci : cela ferait de moi à la fois un papa frustré et un mari culpabilisé », explique un jeune homme.
Pour cette étudiante, devenir mère au Japon implique trop de sacrifices : « Au Japon, être maman et femme au foyer, c'est être contrainte en permanence au dévouement envers ses enfants et son mari. Enrayer la dénatalité, oui, mais pas au point de sacrifier ma liberté de femme et ma carrière professionnelle. Il me semble qu'il y a des perspectives de vie plus intéressantes... »
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Une autre jeune femme regrette, elle, l'attitude des jeunes hommes : « Beaucoup de garçons de mon âge manquent terriblement de confiance en eux. Ils sont super gentils, oui, mais ni entreprenants, ni dans l'affirmation de leur masculinité. Et puis, ils sont souvent dans l'évitement, comme s'ils avaient peur à la fois de l'échec et de s'engager : aller plus loin dans la relation les stresse. » Elle conclut : « C'est difficile de construire quelque chose avec eux sur le long terme... »
Une classe politique à 90% masculine qui culpabilise les jeunes femmes
Un surnom, très péjoratif, est donné aux jeunes Japonais qui ont peu d'intérêt pour les relations amoureuses : les « herbivores », par opposition aux « carnivores », qui, eux, aimeraient la « chair ». Un jeune homme confie : « Je n'ai jamais été trop intéressé par la drague, l'amour, le sexe et tout cela. Le célibat me convient mieux : c'est moins stressant. En fait, ce qui m'importe avant tout, dans la vie, ce sont mes potes et mes hobbys. »
Dans le même registre peu aimable, la classe politique nippone – qui est à 90% masculine... – qualifie d'« inciviques » les jeunes femmes qui n'ont pas l'intention d'avoir des enfants et les enjoint à contribuer au repeuplement du pays.
Pour autant, malgré cette incessante culpabilisation, les sondages, année après année, indiquent que 20% environ des Japonais âgés de moins de trente ans ont toujours été célibataires et comptent le rester, soit parce qu'ils n'ont pas les moyens de fonder un foyer, soit parce qu'ils préfèrent rester à l'écart d'un modèle familial traditionnel qu'ils jugent rétrograde, sexiste et inhumain.
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