Italie: des militaires vont traquer les sangliers pour sauver la charcuterie d'une épidémie
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Une grave épidémie de peste porcine africaine (peste porcine africaine) sévit parmi les quelque deux millions de sangliers présents en Italie. Ce virus, incurable, hautement contagieux et souvent fatal pour les suidés, progresse particulièrement dans le nord du pays et notamment en Émilie-Romagne, berceau du célébrissime jambon de Parme. Pour éradiquer la maladie, les militaires ont reçu une mission inhabituelle : faire baisser la population de sangliers. Bien que le virus soit inoffensif pour l’homme, enrayer l’épidémie de PPA est crucial pour sauver la filière de la charcuterie, un joyau du made in Italie.

Les premiers cas de peste porcine africaine, autrement appelée la PPA, ont été détectés dans le Piémont en 2022. Depuis, l'épidémie se propage surtout dans le nord-ouest de l'Italie, et les acteurs de la filière porcine redoutent son développement, incontrôlable, dans le pays qui compte environ 10 millions de cochons d'élevage.
Selon Stefano Masini, de la Confédération des agriculteurs (Coldiretti), la PPA risque effectivement d'avoir un impact considérable sur les éleveurs de cochons et les producteurs de charcuterie. « Si l'on retrouve une carcasse de sanglier infecté, il faut abattre tous les suidés présents dans un rayon de 12 kilomètres autour de cette zone, pour prévenir d'éventuelles contaminations. Donc même des élevages de cochons sains. Mais actuellement, en Italie, pas un seul cochon domestique n'est infecté. On agit avec une approche de précaution extrême. L'industrie porcine a une valeur globale de 20 milliards d'euros. Si la PPA envahissait totalement l'Italie, il faudrait abattre dix millions de cochons et on perdait 20 milliards d'euros ! »
Concernant les ventes à l'étranger, quelques pays tiers comme la Chine ont placé sous embargo tous les produits à base de porc. D'autres, notamment les États-Unis, continuent d'importer des spécialités, dont le précieux jambon de Parme, mais à une condition, précise Stefano Masini : « Si l'on respecte 400 jours de maturation pour le jambon cru, la sécurité alimentaire est garantie. En Italie, on produit 12 millions de jambons de Parme et 3 millions de jambons de San Daniele par an, dont 30% sont exportés surtout vers les États-Unis. Nous avons 42 spécialités ayant obtenu les labels de qualité européenne AOP ou IGP. C'est un patrimoine identitaire extraordinaire ! Donc Coldiretti soutient la nécessité d'intervenir pour restaurer les écosystèmes. »
Restaurer les écosystèmes cela signifie, avant tout, accroître la régulation de la population de sangliers, estimée à près de 2 millions. Pour cela, le gouvernement vient de muscler son plan d'éradication de la PPA, coordonné par un commissaire extraordinaire, Vincenzo Caputo : « Ces 177 hommes seront déployés essentiellement dans les régions de la Lombardie, du Piémont et de l'Émilie-Romagne, où se situe le plus grand district porcin d'Europe pour la transformation. Nous avons mis au point une technique novatrice, avec des drones pour dénombrer précisément les cochons sauvages sur le territoire. Les soldats nous aideront aussi pour la recherche des ongulés morts, et ils pourront supprimer sélectivement les sangliers avec des armes à feu. »
Certains s'opposent à l'abattage des sangliers
Les militaires seront soutenus par des « chasseurs-régulateurs ». Ils sont 15 000 à avoir été formés en matière de biosécurité et de connaissance de la peste porcine africaine. Depuis le début de l'épidémie, Rome a débloqué 45 millions d'euros pour les activités de lutte contre la PPA et les aides à l'industrie porcine. Mais les associations écologistes fustigent le plan d'action des autorités gouvernementales. Annamaria Procacci, de l'Institution nationale pour la protection des animaux (Enpa), s'insurge :
« Nous sommes opposés à l'abattage des sangliers, parce qu'il engendre le déplacement des meutes terrorisées vers d'autres zones. Or, il faut éviter leur dispersion si l'on veut limiter le risque de contamination dans d'autres lieux. Cela frappe certainement les esprits de dire ''maintenant, on envoie l'armée sur le terrain'', mais ce n'est pas la solution à la PPA ! »
L'Enpa mise beaucoup sur le contrôle de la fertilité pour réguler, de manière non cruelle, la population de sangliers. Le GonaCon, un vaccin immuno-contraceptif développé aux États-Unis, dont l'effet dure environ cinq ans, est actuellement testé grâce à une autorisation du ministère de la Santé. Mais avant même la publication des résultats des expérimentations, les controverses se multiplient.
Alors, l'espoir d'éradiquer la PPA en Italie repose surtout sur les épaules du commissaire extraordinaire : « Si nous poursuivons le modèle que nous avons mis en place, je pense que d'ici trois ans, nous en aurons fini avec la peste porcine africaine. »
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