Reportage international

Censure au Pakistan: l'inquiétude s'installe face au ralentissement d'internet

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L'économie pakistanaise pourrait perdre jusqu'à 300 millions de dollars en raison des perturbations du réseau internet causées par l'imposition d'un pare-feu national. Depuis juillet, les réseaux sont jusqu'à 40% plus lents que la normale. Le Pakistan a déjà bloqué l'accès au réseau social X depuis les élections de février, au cours desquelles l'ancien Premier ministre emprisonné, Imran Khan, a remporté le plus grand nombre de sièges malgré la répression et l'interdiction de son parti.

Les partisans de l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan portent des foulards avec des imprimés de son parti Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) alors qu'ils écoutent une campagne électorale virtuelle sur téléphone au bureau du PTI de Khan à Islamabad le 3 février 2024. (Image d'illustration)
Les partisans de l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan portent des foulards avec des imprimés de son parti Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) alors qu'ils écoutent une campagne électorale virtuelle sur téléphone au bureau du PTI de Khan à Islamabad le 3 février 2024. (Image d'illustration) AFP - AAMIR QURESHI
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De notre correspondante à Lahore,

Il est plus de minuit, à Lahore. Shafique Wains et ses deux associés sont à la tâche devant leurs ordinateurs. Ils sont assistants informatique pour des centres d’appel basés aux États-Unis et en Europe. Dix minutes seulement après qu’il ont pris leur posten un message d’erreur s’affiche sur leurs écrans : le réseau internet a été interrompu.

« La connexion sécurisée et le protocole de transfert de fichiers ont été déconnectés. D'habitude, cela se produisait une fois par semaine, ou tous les trois ou quatre jours. Mais depuis juillet, cela se produit 10 à 15 fois par jour. »

Shafique Wains, PDG de Wains Solutions, a perdu 30% de ses clients au cours des dernières semaines en raison des interruptions constantes du réseau internet : « J'ai créé cette entreprise en avril 2023 et nous avons connu une croissance jusqu'à récemment. Depuis le mois dernier, elle s'est arrêtée à cause des perturbations de l'internet. Je crains que d'ici l'année prochaine, nous ne devions déménager dans un bureau plus petit ou travailler à distance depuis notre domicile. »

Shafique Wains et ceux qui travaillent comme lui, en freelance sur internet, paient un lourd prix. Certaines plateformes qui mettent en lien les clients et les travailleurs indépendants ont suspendu temporairement les comptes de milliers de Pakistanais. Umair, qui fait du marketing numérique, en a fait l'expérience : « Le site Fiverr a envoyé une notification à nos clients pour les informer que nous n'étions pas disponibles pour un nouveau travail. Nous ne gagnons pas beaucoup d'argent et nous ne recevons pas d'aide du gouvernement, ce qui est frustrant et déprimant. »

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Délocalisation des bureaux à l'étranger

Plusieurs multinationales au Pakistan, lasses des interruptions internet, ont délocalisé leurs bureaux à l’étranger. Selon les médias locaux, l'installation d'un pare-feu national destiné à contrôler et à réguler le web est à l'origine de la dégradation du réseau. Ces problèmes sont apparus alors que l'armée pakistanaise – l'institution la plus puissante du pays – affirme lutter contre ce que l'on appelle le « terrorisme numérique ». Mais les analystes estiment que la principale cible des perturbations numériques est le parti du chef de l'opposition emprisonné, Imran Khan, qui jouit toujours d'une grande popularité et qui est soutenu par une base d'électeurs jeunes et férus de technologie.

Le gouvernement nie mais ne donne aucune réelle explication, regrette Noghat Dad. Elle est directrice de l’ONG Digital Rights Foundation : « Nous appelons cela un pays démocratique. Nous ne sommes pas la Russie, nous ne sommes pas la Chine. Nous ne sommes pas un autre pays où l'on donne l'exemple de l'installation d'un système de pare-feu. En fait, nous devons être très clairs sur la direction que nous voulons prendre en tant que pays, puis être clairs et transparents vis-à-vis de nos concitoyens, en leur disant que c'est la direction que nous adoptons et que c'est là que nous allons. »

Fuite des cerveaux

Les autorités pakistanaises ont franchi un pas, estime Usama Khilji, directeur d’un organisme de surveillance d'internet à Islamabad : « Cela montre vraiment que l'espace de dissidence et d'exercice des droits constitutionnels démocratiques dans ce pays, tels que la liberté d'expression, le droit à la vie privée, le droit à l'information et le droit à la subsistance, se rétrécit de plus en plus. »

Usama Khilji met en garde contre une fuite des cerveaux qui s’accentuerait. Plus de 100 000 personnes qualifiées auraient déjà quitté le Pakistan au cours de ces deux dernières années en raison de la crise économique.

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