Reportage international

Avoir 25 ans à Pékin: Liu, livreur de repas au quotidien éreintant

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Ils ont grandi dans une Chine en pleine mutation, entre promesses d’ascension sociale et réalité d’un marché du travail de plus en plus incertain. À 25 ans, que signifie « réussir sa vie » dans un pays où la pression sociale, la compétition et les inégalités pèsent lourd ? Rencontre à Pékin avec Liu, jeune livreur de repas pour la plateforme Meituan. Un quotidien éreintant, des rêves encore flous, et une volonté de s’en sortir — même sans plan tout tracé.

Des livreurs de repas à Pékin le 24 juillet 2024. (Image d'illustration)
Des livreurs de repas à Pékin le 24 juillet 2024. (Image d'illustration) AFP - ADEK BERRY
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De notre correspondante à Pékin,

Tout de jaune vêtu, casque vissé sur la tête, Liu, livreur pour la plateforme Meituan, s’allume une cigarette. Il a à peine quelques minutes avant sa prochaine course. « C'est un job de transition parce qu'il n'y avait pas de bons emplois après la pandémie. Avec le ralentissement économique, j'ai commencé à livrer des repas comme solution temporaire », justifie-t-il.

Chaque jour, Liu sillonne Pékin du matin au soir. Sous le soleil écrasant de l’été pékinois, le rythme est rude. « Je commence vers 7 heures et je termine vers 20 heures. C’est fatigant, mais pas insupportable. Il y a une pause d’une heure au milieu. Quand il n’y a pas de commande, on attend, on se repose. C'est un travail purement physique. On peut le faire facilement et les revenus sont relativement élevés. On s'y habitue, c'est juste un travail », explique-t-il, lui qui calcule ses dépenses avec précision. « C'est, en gros, comme un travail de migrant. Si j’effectue environ 40 livraisons par jour, le revenu mensuel tourne autour d'environ 12 000 yuans. Après les dépenses quotidiennes, je peux économiser la moitié de cela tous les mois », détaille-t-il.

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Mais cette routine a ses limites, surtout avec l’âge. « Les jeunes choisissent ce travail soit pour rembourser leurs dettes, soit parce qu'ils ont fait faillite et essaient de s'en sortir grâce à ce travail. Mais ce travail ne vous apprend rien. Il ne vous permettra pas de subvenir à vos besoins quand vous serez vieux. Car quand vous vieillissez, vous ne pouvez tout simplement plus faire ce travail. Ils disent qu'ils proposent maintenant une assurance, mais celle-ci n'est pas très rassurante », confie-t-il.

Liu pense à la suite, sans se presser. « Je vais essayer de trouver quelque chose de plus stable. J'ai travaillé en cuisine, alors je vais peut-être retenter ma chance dans la restauration. Ou alors, je retournerai dans ma ville natale pour m'occuper d'élevage, par exemple. Les jeunes ne veulent plus vraiment faire ce genre de travail, et les personnes plus âgées sont déjà trop âgées pour continuer, donc ces secteurs ont pratiquement perdu leur relève. Retourner chez moi pour prendre la relève de cette génération est une option à envisager. Le marché est déjà saturé. Les jeunes n'ont pas la possibilité de devenir riches du jour au lendemain. On peut gagner un peu d'argent, mais pas beaucoup », estime-t-il.

Et son conseil, à ceux de sa génération ? « Concentrez-vous d'abord sur le présent. Soyez réaliste. Trouvez votre valeur. Puis réfléchissez à ce que vous pouvez apporter à la société. Ce n'est qu'alors, que ce soit en créant une entreprise ou en fournissant des efforts, que vous pourrez obtenir ce que vous souhaitez », répond-il. Avoir 25 ans en Chine aujourd’hui, c’est aussi chercher, à tâtons, sa voie dans un monde incertain.

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