
« Le constat établi par la banque centrale du Maroc, Bank Al-Maghrib, est implacable, s’exclame le site marocain Medias24. L’année dernière, malgré une croissance de 3,8% tirée par les secteurs non-agricoles, notre marché du travail reste incapable d’absorber la jeunesse. Le chômage atteint 13,3%. Depuis 2019, un million d’emplois agricoles ont disparu, non compensés par les autres secteurs. Chaque année, 275 000 jeunes arrivent en âge de travailler mais ne trouvent pas leur place. La Banque centrale nous met face à une évidence, pointe encore Medias24 : le Maroc ne peut plus différer la bataille pour l’emploi des jeunes. (…) La décennie 2025-2035 doit être celle de l’emploi, ou elle sera celle du décrochage ».
Fossé grandissant
Le chômage : c’est l’une des raisons de la colère des jeunes marocains, rassemblés sous la bannière du collectif GenZ-212, qui ont poursuivi leur mouvement hier dans plusieurs villes du pays. Mais il n’y a pas que ça… Il y a surtout le fossé grandissant entre les projets étatiques et les aspirations de la jeunesse.
L’hebdomadaire Tel Quel résume le problème, sur le ton de l’humour, avec cet exemple, pour le moins parlant : « nos jeunes ont du mal à comprendre, les bougres, qu’on se mette à construire une salle de hockey sur glace à Rabat sans leur expliquer pourquoi. Attention, on ne parle pas de les consulter, juste de leur expliquer la démarche qui consiste à se mettre, soudain, à investir dans un sport dont personne ne connaît les règles ici. Avec cette initiative, nous naviguons entre la blague, la provocation et le ridicule, soupire Tel Quel. Et ne venez pas imaginer une vocation olympique à Rabat, s’il vous plaît, puisque le hockey fait partie des JO d’hiver ».
Tel Quel précise : en fait, « les jeunes se plaignent de la privatisation de leur pays. Ils constatent qu’un gouvernement privé privatise la santé, l’éducation, et malgré les dizaines de plans de redressement, les projets de réforme, malgré les commissions et les feuilles de route, rien ne semble indiquer une remontada dans ces secteurs sinistrés ».
L’urgence d’un assainissement
L’Opinion, autre journal marocain, élargit encore le débat : « les revendications autour de la Santé et de l’Éducation, objets des sit-in récents, ne sont que la partie émergée de l’iceberg, dont la masse invisible cache de véritables fractures dans l’emploi, la transparence et surtout l’équité et la moralisation de la vie publique qui sont aujourd’hui comme depuis longtemps, le point nodal des revendications des diverses vagues de protestations qu’a connu le Royaume depuis son indépendance. (…) Cette moralisation, poursuit L’Opinion, devrait se traduire par un assainissement urgent de la sphère politique mais également économique, doublée d’une reddition des comptes sans complaisance, et d’une gestion enfin efficiente des secteurs sociaux, tout en s’attaquant à la corruption, la gabegie, le clientélisme et le réseautage sauvage et décomplexé qui sévit à toutes les strates de la vie publique ».
De plus en plus d’ampleur…
Hier, le mouvement s’est encore durci… Au 5e jour des manifestations, deux personnes sont mortes, dans la soirée, alors qu’elles tentaient « de prendre d’assaut », avec d’autres un poste de gendarmerie. Près de 200 personnes ont été arrêtées.
« Pour l’instant, constate Afrik.com, la réponse des autorités marocaines s’est principalement traduite par une approche sécuritaire : interdictions de rassemblements, arrestations, encadrement policier massif. Mais cette stratégie semble inefficace face à une génération qui ne craint plus la répression et qui s’organise hors des circuits classiques. Des voix s’élèvent, constate le site panafricain, au sein des partis, dans le monde sportif, et aussi au Parlement, pour réclamer des mesures concrètes : renforcement du personnel hospitalier, rénovation des infrastructures scolaires, transparence budgétaire, calendrier d’embauches. (…) Ce mouvement, porté par des jeunes ultra-connectés, exige une nouvelle forme de gouvernance : participative, basée sur les preuves, centrée sur la dignité et l’accès équitable aux services publics. (…) Le malaise social dépasse les cercles militants. Il reste à savoir si l’exécutif marocain saura en saisir la portée. Mais une chose est certaine, conclut Afrik.com : GenZ-212 a changé la donne. Et les prochains week-ends pourraient en être la confirmation ».
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