
« Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, accorde la grâce à Boualem Sansal », annonce sobrement El Moudjahid à Alger. El Moudjahid qui insiste sur le fait que cette libération est intervenue après une demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier.
Pour le site Algérie Patriotique, proche du pouvoir, « en orchestrant la libération de Boualem Sansal sous le signe de l’amitié algéro-allemande, Alger a délibérément contourné Paris (…) et envoyé un message clair : la souveraineté algérienne n’est pas négociable, et les manœuvres de la France n’ont plus la moindre influence sur les décisions de l’État algérien. (…) Le message envoyé à Paris est limpide, s’exclame encore Algérie Patriotique. Le temps du chantage diplomatique et des injonctions moralisatrices est révolu. L’Algérie, forte de son poids diplomatique, militaire, énergétique et géopolitique, entend traiter d’égal à égal avec ses partenaires, et non plus subir les postures paternalistes venues du Quai d’Orsay. »
La reprise du dialogue ?
Autre analyse pour Le Matin d’Algérie : « cette mesure intervient à un moment où Alger et Paris multiplient, sans les rendre publiques, les signaux d’ouverture en vue d’une reprise du dialogue politique gelé depuis juillet 2024. La médiation allemande, à travers la demande adressée par le président Steinmeier, apparaît comme un acte d’intercession dans le cadre d’une diplomatie souterraine associant, de manière implicite, Berlin, Alger et Paris. Depuis plus d’un an, tous les canaux officiels de communication diplomatique et sécuritaire entre la France et l’Algérie demeurent fermés. Dans ce contexte de blocage, les deux capitales ont progressivement privilégié des formes de diplomatie officieuse, opérant à travers des relais religieux ou culturels. »
Et Le Matin d’Algérie de souligner le rôle en coulisses qu’auraient joué « le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, et Monseigneur Jean-Paul Vesco, archevêque de l’Église catholique d’Algérie. Ce canal parallèle, toléré de part et d’autre, aurait permis de préserver un minimum de confiance et d’éviter une rupture totale, tout en préparant le terrain à une reprise progressive du dialogue politique. »
La ligne « discrète » l’a emporté sur la ligne « dure »
Afrik.com remarque pour sa part que « cette libération de Boualem Sansal intervient alors que Bruno Retailleau n’est plus le ministre de l’Intérieur français depuis quelques semaines. Le timing de cette annonce redonne ainsi toute sa place à la diplomatie et montre l’échec du rapport de force que voulait instaurer l’extrême-droite française. »
En effet, pointe Le Monde Afrique, côté français, « la divergence était flagrante entre les partisans d’une diplomatie discrète, défendue par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, et les tenants du “rapport de force“ incarné par Bruno Retailleau jusqu’à son départ de la place Beauvau en octobre. »
Finalement, constate le journal, « le bilan de l’approche axée sur le conflit a été pour le moins limité. » Et « le grand débat sur la “méthode“ dans ce dossier franco-algérien se solde donc par une leçon a priori contre-intuitive : la reprise en main du dossier par des acteurs au profil sécuritaire – Laurent Nuñez, le nouveau ministre de l’Intérieur, et ex-coordinateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, et Nicolas Lerner, patron de la direction générale de la sécurité extérieure –, cette reprise en main, à rebours du climat politique ambiant, a contribué à créer une atmosphère autorisant ce premier résultat tangible qu’est la libération de Boualem Sansal. »
Beaucoup de questions encore en suspens…
Enfin, Le Pays au Burkina Faso rappelle que « les sujets qui attisent les tensions entre la France et l’Algérie sont nombreux. Aux mesures réciproques de réduction de visas et d’expulsions, s’ajoute la reconnaissance par Paris de la marocanité du Sahara occidental, traduisant ainsi une prise de position en faveur de Rabat. Et ce n’est pas tout, pointe encore le quotidien ouagalais. Il y a aussi des questions sécuritaires et mémorielles qui divisent l’Hexagone et son ancienne colonie, bloquant finalement les différents canaux de communication, et ce, nonobstant les tentatives de relance du dialogue. Mais une chose est certaine, conclut Le Pays. La grâce accordée à Boualem Sansal par le président Tebboune, au-delà des raisons humanitaires invoquées, pourrait cacher une volonté de dégel des relations entre Paris et Alger. »
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