USA 2024: la campagne présidentielle en musique

Remontée du Mississipi: du delta aux Twin cities (1/7)

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Aujourd’hui, le 8ᵉ épisode de la balade musicale que RFI vous propose tous les vendredis jusqu’à l’élection présidentielle américaine du 5 novembre prochain, avec le livre « Rock n’ Road Trip - les États-Unis en 1 000 chansons ». La semaine dernière, nous étions dans l’Ohio, cette semaine, rien à voir, nous voici sur les rives du Mississippi, long de 3 766 km, le 2ᵉ plus long fleuve des États-Unis derrière le Missouri. Et pas que sur les rives puisque nous entamons ce jour une lente remontée du fleuve, pendant huit semaines, jusqu’à la convention républicaine à Milwaukee. 

Lauric-Henneton - Rock-n-Road-Trip.
Lauric-Henneton - Rock-n-Road-Trip. © fnac.com
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Julien Coquelle-Roëhm : « Rolling, rolling, rolling on the River », le décor est planté dans cette chanson de Creedence Clearwater Revival de 1969…

Lauric Henneton : un groupe qui sort pas moins de trois albums majeurs cette année-là et joue à Woodstock, excusez du peu ! Cette chanson est sur leur album « Bayou Country », qui plante le décor, aussi. Notez, Julien, que le Mississippi n’est jamais mentionné dans la chanson.

Ah mais c’est vrai !

Et pourtant, aucun doute n’est permis. Deux indices quand même, des fleuves qui relient Memphis et la Nouvelle-Orléans, il n’y en a pas 36.

On est au cœur du « swamp rock », le rock marécageux typique du Vieux Sud !

Et le paradoxe, c'est que Creedence est un groupe… californien, originaire de Berkeley à côté de San Francisco, et ils n’ont jamais mis les pieds dans le Sud en général et dans le Mississippi en particulier. L’autre méprise classique c’est le nom : cette « Proud Mary » n’est pas une femme, mais un bateau à aubes.

Une chanson qui va également faire la gloire d’Ike et Tina Turner…

Leur reprise, à la fois alanguie par la moiteur du climat puis totalement enfiévrée est un bon concentré du Sud et de ses contradictions !

« Je me suis rendu au carrefour et je suis tombé à genoux ». L’ambiance est beaucoup plus électrique ici, avec ce « Crossroads » des Anglais de Cream, sorti en 1968.

C’est une reprise méconnaissable d’un titre de Robert Johnson, écrit dans les années 1930. 

Le fameux Robert Johnson qui a vendu son âme au diable pour mieux jouer de la guitare ?

Précisément, enfin, c’est une légende, mais une légende mise à profit à chaque carrefour du Mississippi. Johnson mentionne aussi un autre aspect du fleuve : ses lieux de sociabilité, des sortes de guinguettes, aujourd’hui disparues.

C’est l’occasion de dire que le fleuve Mississippi est une véritable artère commerciale aux États-Unis… 

C’est un carrefour en fait : une épine dorsale nord-sud, qui permet d’écouler la production agricole du Midwest vers le Golfe du Mexique, mais qui se trouve aujourd’hui en partie asséché. Et c’est aussi une frontière entre l’Est et l’Ouest, mais encore entre États « secs » (qui appliquent la prohibition) et États « mouillés » où on peut boire. D’où ces guinguettes où on s’encanaillait à l’époque de Robert Johnson.

Robert Johnson dont l'œuvre était passée inaperçue de son vivant…

Et qui est redécouvert par les bluesmen anglais comme Eric Clapton. Dans les années 1960, l’Amérique blanche découvre son patrimoine blues noir notamment grâce aux groupes anglais blancs qui font presque un travail de missionnaires.

Et qui dit blues du Mississippi dit bien sûr « Delta »... Quelle voix ! Bobbie Gentry, « Mississippi Delta », on est en 1967. Et c’est une régionale de l’étape, non ?

Oui, elle est née dans le Mississippi profond. Notez qu’elle épelle juste le mot Mississippi et ça marche. Pourquoi faire compliqué ? Elle était partie vendre ses chansons à Capitol Records à Los Angeles, mais ils lui ont dit « ah mais non, c’est vous qui allez les chanter, mademoiselle ! »

Mais ce Delta, il est en Louisiane, pas dans le Mississippi ? 

Il y a un piège ! Le mot Delta ne désigne pas l’embouchure, qui est bien en Louisiane, mais une région à l’intérieur des terres, à cheval sur les États du Mississippi et de l’Arkansas, qui est souvent inondée, comme le Nil, ce qui en fait une zone extrêmement fertile. 

Et donc beaucoup de coton !

Et d’énormes plantations, mais la zone est peuplée tardivement, au milieu du XIXe siècle, ce n’est vraiment pas le « vieux » Sud ancestral. Parmi ces plantations géantes, on peut mentionner Dockery Farm, fondée en 1895 seulement, qui se visite aujourd’hui, et qui comptait plus de 2 000 ouvriers noirs, qu’il fallait distraire le week-end. Et cette fertilité, elle ne concernait pas que le coton, mais aussi les musiciens : c’est un terroir d’une incroyable richesse !

Eh bien merci Lauric Henneton, on se retrouve vendredi prochain pour commencer notre remontée du fleuve ?

Oui, vendredi prochain, rendez-vous à La Nouvelle-Orléans !

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