À la Une en Asie

En Corée du Sud, des victimes d’adoptions forcées en quête de vérité

Publié le :

En Corée du Sud, une Commission vérité et réconciliation a reconnu coupable l’État de fraudes et d’abus dans le processus d’adoptions forcées, pratiquées pendant des décennies. Elle dénonce une « exportation de masse » d’enfants coréens, souvent arrachés à leurs parents. La commission a présenté un nouveau rapport accablant au public ce mercredi 26 mars.

La présidente de la Commission vérité et réconciliation, Park Sun-young (à droite), réconfortant, mercredi 26 mars 2025, Yooree Kim, adoptée en France à l’âge de 11 ans, sans le consentement de ses parents biologiques.
La présidente de la Commission vérité et réconciliation, Park Sun-young (à droite), réconfortant, mercredi 26 mars 2025, Yooree Kim, adoptée en France à l’âge de 11 ans, sans le consentement de ses parents biologiques. © AP - Ahn Young-joon
Publicité

Il y a cette photo prise à l’issue de la conférence de presse, qui a marqué les esprits et fait preuve d’un passé qui ne passe pas. On y voit la présidente de la commission, Park Sun-young, à genoux pour réconforter l’une des victimes en pleurs. La femme qui se tient devant elle s’appelle Yooree Kim. Elle avait 11 ans lorsqu’une agence d’adoption l’a envoyée en France sans l’accord de ses parents. 

À lire aussiDroit des enfants: l'adoption internationale, une question toujours délicate

Ses papiers, falsifiés, faisaient croire qu’elle était une orpheline abandonnée. Aujourd’hui, Yooree Kim demande une compensation financière au gouvernement sud-coréen et des tests ADN à grande échelle pour augmenter les chances de tous les adoptés de retrouver leurs parents biologiques.

Une quête longue et difficile pour les victimes d’adoptions forcées

Sur 15 000 adoptés qui ont demandé de l’aide à la Corée du Sud, seulement une victime sur cinq a pu retrouver ses proches, selon des chiffres officiels. Le rapport parle d’au moins 170 000 enfants adoptés par des parents étrangers entre 1955 et 1999. Aucun autre pays au monde n’a permis autant d’adoptions internationales. Les rapporteurs n’hésitent d’ailleurs pas à parler d’une « industrie motivée par le profit » et d’une « exportation de masse » d’enfants coréens.

À lire aussiCorée du Sud: pourquoi autant d’enfants coréens ont-ils été adoptés à l’étranger?

« Ces violations n’auraient jamais dû se produire »

Durant l’enquête de presque trois ans, la commission a reçu 367 plaintes de Coréennes et Coréens adoptés en Europe, aux États-Unis ou encore en Australie. Les enquêteurs ont ainsi pu retracer pléthore d’enregistrements frauduleux d’orphelins, des falsifications d’identité et aussi un contrôle totalement inadapté des parents adoptifs. La Commission vérité et réconciliation suggère donc au gouvernement de présenter ses excuses officielles. Sa présidente Park Sun-young estime que « ces violations n’auraient jamais dû se produire » et qu’il s’agit là d’une partie honteuse de l’histoire sud-coréenne.

Les adoptions internationales ont commencé à la fin de la guerre de Corée (1950-1953). À l’époque, la Corée était extrêmement pauvre, les bébés nés de relations entre des soldats américains et des Sud-Coréennes étaient mal vus, aussi parce que l’État ne jurait que par l’homogénéité ethnique. Dans les années 1970 à 1980, les adoptions internationales sont en plein boom, avec des agences privées qui encaissent des millions de dollars grâce à des pratiques pour le moins douteuses.

La dictature militaire de l’époque a laissé faire, au prétexte de vouloir éradiquer la pauvreté. Une pratique effectivement moins chère que de construire un système social qui aurait pu aider des enfants et des parents en difficulté, a jugé la commission d’enquête. Elle doit rendre ses conclusions définitives en mai prochain.

À lire aussiCorée du Sud: le système d'adoption de nouveau visé par de graves accusations d'abus et de violences

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes