Tirer des leçons de la crise sanitaire pour transformer la gouvernance politique
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Wathi a publié le 25 novembre dernier un document sur les leçons de la crise de Covid-19 pour la gouvernance en Afrique de l’Ouest.

Vous dites notamment que la crise sanitaire a mis en évidence le rôle incontournable des États et l’urgence de construire un lien de confiance entre les gouvernants et les populations…
Gilles Yabi – Oui, ce document que nous appelons Mataki dans notre jargon, terme qui signifie « mesures » ou « dispositions » en haoussa, la langue la plus parlée en Afrique de l’Ouest, est le deuxième d’une série de publications sur les leçons à tirer de la crise sanitaire en Afrique de l’Ouest, dans le cadre de notre partenariat avec la fondation Osiwa.
Le premier Mataki tirait les leçons sur le plan économique et on y voyait déjà les liens très forts avec la question de la gouvernance. Nous avons examiné des dizaines d’études, de rapports, d’articles publiés sur le sujet et en avons extrait les constats et les analyses qui nous paraissent les plus pertinents. Il nous a semblé utile d’examiner les mécanismes de prise de décision des gouvernements dans des pays aussi différents que l’Allemagne, Taïwan ou la Corée du Sud, pour identifier des principes et modes de gouvernance qui sont tout à fait pertinents pour les pays africains. Parmi ces principes, il y a une volonté de prendre des décisions de manière collégiale sur la base d’une confrontation d’idées émanant de la communauté scientifique et d’une grande diversité d’acteurs de la société, y compris des jeunes qui ont une formidable capacité d’innovation pour répondre à des besoins spécifiques. On a vu beaucoup d’innovations et de créativité dans les réponses d’acteurs non étatiques à la crise sanitaire en Afrique.
Parmi les cinq pistes d’action que vous mettez en avant, la nécessité de dépolitiser les administrations publiques et le renforcement des juridictions constitutionnelles
G. Yabi - Tout à fait. Nous revenons sur des propositions que nous avions déjà formulées en réfléchissant sur les plus graves défaillances dans le fonctionnement des États, notamment l’absence de mécanisme permettant de filtrer au moins un peu l’accès aux plus hautes fonctions politiques et administratives avec des exigences élevées en termes d’aptitude, de compétence et d’intégrité. En temps normal comme en temps de crise, avoir les hommes et les femmes qu’il faut à la place qu’il faut est décisif. La dépolitisation ou plus raisonnablement la réduction de la politisation des administrations publiques est une exigence majeure si l’on veut améliorer l’efficacité et la crédibilité des Etats. Et nous mettons aussi l’accent sur le renforcement des institutions qui encadrent l’action des gouvernements et veillent à ce qu’elle ne s’éloigne pas trop de la poursuite de l’intérêt général. Nous insistons sur les cours constitutionnelles ou leurs équivalents, qui sont mandatées pour assurer le respect de la lettre et de l’esprit des textes constitutionnels. En fait ce sont ces institutions qui représentent l’ultime protection des individus face au risque de l’arbitraire et de l’injustice, risque particulièrement élever dans des périodes d’exception.
Ce qui est vrai pour une crise sanitaire comme Covid-19 l’est aussi pour les crises sécuritaires qui menacent aujourd’hui la stabilité de plusieurs Etats ouest-africains, dites-vous.
G. Yabi - La confiance des citoyens dans leur système politique est un facteur déterminant dans l’efficacité de la réponse à une crise sanitaire, parce que c’est elle qui permet l’adoption rapide et générale des comportements qu’elle réclame. Cela est absolument vrai aussi pour la réponse à une crise sécuritaire : on a besoin de confiance au sein de la société et une manière de prouver la confiance aux citoyens, c’est d’élargir le réseau des acteurs de la société que l’on écoute régulièrement et que l’on associe à la réflexion sur les politiques publiques, sur les moyens de les mettre en œuvre et de les corriger en cas de besoin. Il faut de l’audace et de l’innovation institutionnelles pour placer au cœur des pratiques démocratiques le débat public, le contrôle citoyen de l’utilisation des ressources, en situation normale comme en temps de crise.
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Les publications Mataki et WATHI5 sur les leçons de la crise de Covid-19 pour la gouvernance en Afrique de l’Ouest sont en libre accès ici :
https://www.wathi.org/publications/
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