Ça fait débat avec Wathi

Afrique: une pétition pour réclamer des investissements dans les systèmes de santé

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Gilles Yabi, vous avez lancé la semaine dernière une pétition appelant à l’amélioration des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest et vous avez aussi organisé le mercredi 15 mars une table ronde virtuelle sur le fonctionnement des structures de santé. Pourquoi cette focalisation sur la santé en ce moment précis?

Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga
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Pour nous, il n’y a pas de moment spécifique pour mettre en avant la question de la santé, un autre pour parler de l’éducation et un autre pour discuter paix, sécurité, institutions politiques ou diversification économique. Nous devons alimenter le débat public sur tous ces sujets simultanément. Nous n’avons pas le choix vu l’ampleur des défis.

C’est vrai que la pandémie a généré un intérêt inédit pour les questions de santé à l’échelle planétaire. Comme nous le rappelons dans la pétition, en rendant quasiment impossibles les évacuations sanitaires des élites gouvernantes et de leurs familles vers les hôpitaux étrangers les plus réputés, la crise de Covid-19 devrait avoir rappelé aux plus hauts responsables politiques africains que tout le monde pouvait payer de sa vie le sous-investissement chronique dans l’amélioration des systèmes de santé.

Avec ou sans Covid, avant et après Covid, notre message reste le même : il est primordial de renforcer tous les piliers des systèmes de santé. La pétition que nous avons lancée vise à impliquer les citoyens dans une mobilisation collective pour demander aux dirigeants ouest-africains de prendre des engagements précis et de les respecter, je n’ose pas ajouter, cette fois.

En plus de l’appel à annoncer une progression précise de la part des budgets nationaux alloués au secteur de la santé, vous demandez aussi que des mesures soient prises pour améliorer sensiblement le fonctionnement au quotidien des établissements publics de santé. C’était aussi le sujet de débat de votre table ronde virtuelle ce 15 mars.

Tout à fait. Nous avions invité trois professionnels de santé de trois pays différents de la région, le Dr Assa Traoré Touré, endocrinologue exerçant dans un grand centre de santé de Bamako au Mali, Leslie Agbo, sage-femme au Bénin et le professeur Ibrahima Seck, chef du service de médecine préventive et de santé publique et ancien directeur de cabinet du ministre de la Santé au Sénégal.

En plus de leurs riches interventions, nous avons aussi donné la parole à plusieurs participants de différents autres pays, qui ont témoigné de leurs propres expériences. Il a beaucoup été question de l’accueil inexistant ou désagréable des usagers, le premier point de contact étant souvent des agents de sécurité sans aucune formation pour un accueil convenable. On a parlé des manquements à l’hygiène, des coupures régulières d’eau dans les structures de santé, de la prolifération des moustiques et d’autres bêtes inamicales parfois dans les plus grands hôpitaux. Je dois dire que cela m’a rappelé quelques souvenirs personnels.

Autres défaillances aux conséquences parfois dramatiques, la qualité des plateaux techniques, la maintenance laborieuse des appareils médicaux en l’absence de techniciens qualifiés. Question fondamentale aussi, celle de la déontologie, de l’éthique et de l’empathie des professionnels de santé qu’il faut remettre au cœur des formations de tous les professionnels de santé.

Mais l’intérêt de ce type de discussion n’est pas seulement de faire une longue liste des insuffisances, dites-vous.

Absolument. Il s’agit de pousser à la recherche d’améliorations concrètes en regardant la réalité en face, en décomposant et en hiérarchisant les problèmes. Dans le contexte de rupture de confiance entre les populations et les dirigeants politiques, c’est par des signaux forts et visibles de changements dans un secteur comme celui de la santé qu’on peut sortir des discours lénifiants sur la bonne gouvernance et la refondation des États.

Si on ne peut pas organiser et faire fonctionner convenablement un service d’accueil et d’orientation, si on ne peut pas installer des panneaux pour guider les patients dans un hôpital, si on ne peut pas s’assurer du respect des horaires de travail des professionnels de santé, même ceux affectés aux urgences, je ne vois pas très bien comment on pourrait trouver des solutions à des problèmes bien plus complexes dans tous les autres domaines de l’action publique.

La pétition « Pour des systèmes de santé plus performants en Afrique de l'Ouest ! ».

L’intégralité de la table ronde virtuelle sur le fonctionnement des structures de santé est accessible sur la page Facebook de WATHI et bientôt sur la page Youtube.

► Le document « Mataki » sur les systèmes de santé.

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