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En Inde, à la veille des élections, l’opposition accablée par des poursuites judiciaires

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Lundi 5 février, le gouvernement régional de l’État du Jharkhand, dans le nord du pays, a dû nommer en urgence un nouveau dirigeant, après que celui en poste a été arrêté par la police fédérale vendredi. Hemant Soren est le quatrième ministre régional de partis opposés au gouvernement national à être arrêté ces derniers mois. Et cette chasse semble s’intensifier à trois mois des élections législatives. Qu’est-il reproché à ce chef de gouvernement ? 

L'ancien ministre en chef du Jharkhand, Hemant Soren, à gauche, le bras levé, salue ses partisans alors qu'il sort d'un tribunal, le jeudi 1er février 2024. Il est accusé dans deux affaires de corruption et de blanchiment d’argent.
L'ancien ministre en chef du Jharkhand, Hemant Soren, à gauche, le bras levé, salue ses partisans alors qu'il sort d'un tribunal, le jeudi 1er février 2024. Il est accusé dans deux affaires de corruption et de blanchiment d’argent. © AP/Rajesh Kumar
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De notre correspondant à New Delhi,

Hemant Soren est accusé dans deux affaires de corruption et de blanchiment d’argent : l’une concerne la revente potentiellement douteuse de terrains, et l’autre des autorisations supposées illégales de mines dans cet État du Jharkhand. Dans les deux cas, l’agence fédérale de lutte contre les crimes financiers, appelée Enforcement Directorate, estime que ce chef du gouvernement régional a été l’un des bénéficiaires de cette corruption, et les agents l’ont arrêté vendredi. Hemant Soren nie les faits, et affirme même que les quantités de minerai que la police l’accuse d’avoir fait extraire est irréaliste. Mais il a été placé en détention provisoire, et devrait rester en prison pendant de longs mois à présent, ce qui affaiblit ce gouvernement régional dirigé depuis cinq ans par un parti opposé au Premier ministre Narendra Modi.

D'autres dirigeants de l’opposition subissent des poursuites

Trois autres ministres importants et un sénateur de partis d’opposition à Delhi ou au Bengale sont en détention provisoire, certains depuis près de deux ans. De nombreux dirigeants régionaux font l’objet d’enquêtes lancées par cette agence très puissante, avec des fuites dans la presse qui influence les électeurs lors de scrutins locaux. Et l’une des principales figures de l’opposition nationale, le chef du gouvernement de Delhi, Arvind Kejriwal, est sous le coup d’une arrestation imminente. À noter qu’aucune de ces accusations n’a pour l’instant été prouvée par la justice.

Que répond le parti du BJP au pouvoir ?

Il assure que ces enquêtes sont indépendantes, mais la puissante agence du Enforcement Directorate est contrôlée par son gouvernement, et une récente enquête du journal The Indian Express montre son biais : elle révèle que cette agence a lancé 121 poursuites depuis l’arrivée au pouvoir du BJP en 2014, et 95% d’entre elles concerne des dirigeants de l’opposition. Sous le gouvernement précédent, près de la moitié des enquêtes frappait des membres de la coalition au pouvoir. Dans la situation actuelle, les poursuites s’arrêtent généralement dès qu’un dirigeant de l’opposition rejoint le parti au pouvoir.

Un impact sur les législatives qui se tiennent dans moins de trois mois ?

D’abord de manière pratique : les dirigeants de l’opposition vont avoir du mal à faire campagne, car leurs biens sont saisis par les agences fédérales, les dons de campagne rendus difficile, ou leurs leaders arrêtés. Et en termes d’image, également : le Premier ministre se sert de ces arrestations pour accuser l’opposition d’être corrompue, alors que son parti, lui, apparait au-dessus de tout soupçon. Et cela semble fonctionner : Narendra Modi est perçu comme un homme honnête – et dans un pays où la corruption est un problème endémique – cela apparaît comme une exception attirante pour les électeurs indiens, qui éliront leurs nouveaux députés entre avril et mai prochain.  

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