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Le Cambodge au cœur d’un réseau tentaculaire d’arnaques en ligne

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Le meurtre d'un jeune étudiant sud-coréen en août dernier, au Cambodge, enlevé et battu à mort par des Chinois impliqués dans des opérations cybercriminelles, a causé un scandale en Corée du Sud. L’affaire a relancé le débat sur ces centres d'arnaques en ligne qui prolifèrent en Birmanie, au Laos ou au Cambodge. Ce lundi 20 octobre, dix nouveaux Sud-Coréens ont été arrêtés au Cambodge, a indiqué un ministre de Séoul.

Un réseau tentaculaire de centres d'escroquerie en ligne est implanté au Cambodge.
Un réseau tentaculaire de centres d'escroquerie en ligne est implanté au Cambodge. © Photo de Bermix Studio sur Unsplash
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De notre correspondante à Phnom Penh,

L'ampleur prise en Corée du Sud de la mort de cet étudiant, enlevé et torturé par un réseau criminel local, a conduit Séoul à relever le niveau d’alerte pour les voyages de ses ressortissants dans plusieurs régions cambodgiennes. Elle a aussi contraint les autorités des deux pays à annoncer le renforcement de leur coopération sur la question des centres d’arnaque en ligne. 64 Sud-Coréens détenus pour avoir pris part, volontairement ou non, à ces opérations criminelles au Cambodge, ont été expulsés samedi 18 octobre sur un vol spécial vers Séoul après l'envoi d’une délégation sud-coréenne.

Mais quand on évoque ces réseaux de cybercriminalité en Asie du Sud-Est, on parle d'une industrie absolument tentaculaire dont découlent bien d’autres récits de kidnappings, de violences, de disparitions ou de morts suspectes. Ces réseaux abusent deux types de victimes. D'un côté, les victimes visées virtuellement dans le monde entier, piégées par des arnaques sentimentales ou de faux investissements en cryptomonnaies. De l’autre, des personnes attirées sous de faux prétextes, le plus souvent de fausses promesses d'emploi. Elles voient leurs passeports confisqués, leurs déplacements contrôlés et sont contraintes de remplir leur quota d’arnaques en ligne.

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Un conglomérat cambodgien impliqué dans ces arnaques

Dans l'actualité, c'est une autre affaire qui donne une idée de l’ampleur des opérations. Le 14 octobre, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont annoncé des sanctions contre un conglomérat cambodgien impliqué dans ces arnaques ainsi que la saisie de 15 milliards de dollars en bitcoin. C'est l’équivalent d’un tiers du PIB du Cambodge. Il s’agirait aussi de l’une des plus importantes saisies de l'histoire du FBI. Elle vise Chen Zhi, 37 ans, fondateur et président du conglomérat cambodgien, Prince Group. L’homme d’affaire d’origine chinoise qui détient la nationalité cambodgienne est inculpé pour fraude électronique et blanchiment d’argent. Le dossier de mise en accusation indique que Chen Zhi serait personnellement impliqué dans la gestion d’opérations d’arnaques en ligne massives et conscient des pratiques brutales en usage dans les différents centres de son réseau. Prince Group et 146 entités affiliées sont désormais désignées comme organisation criminelle transnationale par le Trésor américain. Au Cambodge, Chen Zhi est un homme d’affaires particulièrement influent. Il a été conseiller de l’ancien Premier ministre, Hun Sen, puis de son fils, Hun Manet, actuel Premier Ministre du Cambodge.

Ces affaires suscitent-elles une réponse d’ampleur en Asie du Sud-Est ? 

Les actions et sanctions contre des rouages influents de ces réseaux en Asie du Sud-Est se multiplient, mais elles ne semblent pas pour l’instant empêcher la prolifération de ces entreprises criminelles dans la région. Au Cambodge, sur ces quatre derniers mois, les forces de police seraient ainsi intervenues sur 92 sites suspectés d’être des centres d’arnaques conduisant à l’interpellation de plus de 3 400 personnes de 20 nationalités différentes. Si ces descentes s’intensifient, plusieurs sites connus des autorités et des observateurs semblaient avoir repris leurs activités quelque temps plus tard. D’autres cellules déménagent régulièrement leurs bureaux.

En l’absence de stratégie ambitieuse, certains rapports comme celui d’Amnesty International en juin dernier vont jusqu’à dénoncer une défaillance de l’État cambodgien qui auraient permis à la criminalité de prospérer. Ces réseaux criminels opèrent dans toute la région, mais rien qu’au Cambodge, on estime que 100 à 150 000 personnes seraient impliquées, volontairement ou non, dans les centres d’arnaques en ligne.

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