Pour la première fois, davantage de personnes en Asie du Sud-Est privilégient l'alignement sur la Chine plutôt que sur les États-Unis, selon un nouveau sondage compilé par l'Institut ISEAS-Yusof Ishak à Singapour. En cause ? Entre autres la désillusion à l'égard des actions de politique étrangère de Washington et les avantages économiques de l'initiative de Pékin.

La question posée était la suivante : si l’ASEAN - l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est - était contrainte de s'aligner sur l'un des rivaux stratégiques, lequel devrait-elle choisir ? Selon l'enquête State of Southeast Asia 2024, 50,5 % des personnes interrogées ont opté pour la Chine et 49,5 % ont préféré les États-Unis. L’année dernière, 38,9 % des personnes interrogées préféraient la Chine contre 61,1 % les États-Unis.
Un basculement notable même s’il faut mettre les chiffres en perspective, car de nombreux États de l’ASEAN ont historiquement entretenu des liens économiques étroits avec la Chine — par le biais du commerce et des investissements dans le développement – tout en se protégeant contre ses aspirations d'influence et sa volonté d'expansion territoriale grâce à des partenariats de défense avec les États-Unis.
Facteurs du basculement
La position pro-israélienne « ferme et presque inconditionnelle » des Américains sur la guerre à Gaza, en particulier, a conduit à « une diminution de la confiance en les choix que peuvent prendre les États-Unis ».
Selon l'étude, la guerre entre Israël et la bande de Gaza a été un facteur pour les personnes interrogées, plus de 46 % d'entre elles ayant déclaré que la guerre était une préoccupation majeure pour les gouvernements, les pays à majorité musulmane la plaçant au premier rang de leurs préoccupations géopolitiques.
Mais le sondage montre que cela va au-delà du fait qu'il y a d'importantes populations musulmanes en Asie du Sud-Est. La volonté des États-Unis de mettre leur veto aux processus de l'ONU concernant les excès d'Israël à Gaza a donné l'impression qu'ils étaient « prêts à donner un laissez-passer à leurs amis, au point de fausser les processus de l'ONU ».
Inquiétudes pour l’ordre mondial
Environ 27,5 % des sondés ont déclaré que leur confiance dans le droit international et l'ordre fondé sur des règles mondiales avait été ébranlée par la guerre. Si certains États de la région soutiennent le maintien d'un droit de réponse aux actions terroristes, il est de plus en plus admis que la proportionnalité de la réponse d'Israël et l'immense coût humanitaire qu'elle entraîne vont à l'encontre du droit international.
Bien qu'un élément religieux ait influencé le soutien régional aux Palestiniens, les violations croissantes des droits de l'homme et des droits humanitaires deviennent une préoccupation sérieuse. Si le soutien aux États-Unis a diminué au Vietnam, à Singapour, au Myanmar et au Cambodge, les Philippines font toutefois figure d'exception, puisqu'elles ont enregistré une hausse significative de la confiance dans les Américains, principalement en raison des tensions croissantes en mer de Chine méridionale.
Raisons économiques
Sur la question de la géopolitique du Proche-Orient, les personnes interrogées pensent que le fait de laisser Israël faire risque de déstabiliser la région, l'approvisionnement en combustibles fossiles et les chaînes d'approvisionnement mondiales, ce qui ne fait qu'aggraver la situation.
Mais le glissement vers la Chine est particulièrement évident en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, au Brunei et au Laos, selon l'étude, car ces États ont bénéficié de l'initiative des Nouvelles Routes de la soie de Pékin qui vise à connecter l'économie chinoise au reste du monde.
Ce qu'il faut retenir, explique Sharon Seah, auteur principal du rapport, c'est qu'à mesure que l'environnement géopolitique devient plus instable, la région cherche à renforcer sa résilience interne.
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