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L'essor des mines de terres rares, une catastrophe écologique et humaine en Birmanie

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Focus sur les terres rares lourdes, cette matière première très convoitée dans le monde, indispensable à la fabrication des aimants utilisés dans les voitures électriques et les éoliennes et dont l’extraction -nocive pour l’homme et l’environnement- se développe à une vitesse grand V en Birmanie.

Minerai de terre rare (avec une pièce de monnaie de 19 mm pour montrer l'échelle).
Minerai de terre rare (avec une pièce de monnaie de 19 mm pour montrer l'échelle). © commons.wikimedia.org/
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C’est Global Witness qui tire la sonnette d’alarme. Dans son nouveau rapport, l’ONG, spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles dans les pays en développement, révèle que depuis le coup d’État militaire en 2021, la Birmanie a plus que doublé ses exportations de terres rares lourdes vers la Chine voisine. Et les images satellites sont formelles, ces mines non réglementées ont poussé comme des champignons ces trois dernières années. Cela se passe dans l’État Kachin, dans le nord de la Birmanie, région frontalière avec la Chine. Les sites miniers ont grimpé à plus de 300 depuis le putsch, soit une augmentation de plus de 40%. Autre chiffre révélateur : les importations de terres rares en Chine pour y être traitées sont passées de plus de 19 000 tonnes en 2021 à près de 42 000 tonnes l’an dernier.

La Chine est pourtant le leader mondial de la production de terres rares, mais elle se tourne vers d’autres marchés. D’abord pour accroître sa souveraineté et pour polluer le moins possible à l’intérieur de ses frontières. Autre avantage du marché birman, l’État Kachin est tout proche, et le site d’extraction appelé « région spéciale 1 » est sous le contrôle de milices fidèles à la junte. Les affaires sont juteuses puisque ce commerce vient alimenter le conflit en cours entre les militaires birmans et les groupes armés ethniques.

Un désastre écologique et humain

Tout ceci au mépris de l’environnement, car pour extraire la précieuse matière première, la purifier et la traiter, on utilise des produits chimiques toxiques. Ces acides, injectés dans le sol, polluent les terres, les cours d’eau, détruisent la végétation. Étant donné que ces activités sont largement non réglementées, c’est un désastre pour l’écosystème et les populations locales, les dégâts sont considérables…

Un paradoxe quand l’on sait que les terres rares lourdes font l’objet d’une très forte demande justement dans le cadre de la transition énergétique mondiale. C’est une triste réalité, dans un contexte où la Chine détient un quasi-monopole et où la demande explose. On estime que la consommation de terres rares sera multipliée par 7 d’ici 2040. 

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Pendant ce temps, de nombreux travailleurs birmans développent des maladies, décèdent dans la souffrance après avoir été exposés à ces produits chimiques. Autre effet dévastateur de ces mines, l’escalade de la violence, l'augmentation de la consommation de drogues et de la prostitution. Des familles entières sont plongées dans la détresse. La population dénonce aussi des pressions de la part de milices pour vendre leur terre à prix bas à des entreprises chinoises.

L’ONG qui a documenté l’essor de l’exploitation minière dans l’État Kachin note également que les mines prolifèrent -quoique moins rapidement- dans les zones sous contrôles de la KIO, l’organisation politique ethnique qui lutte pour l’indépendance de l’État et qui est en conflit avec la junte. Contrairement aux milices, la KIO est soutenue par la population et se soucie de sa réputation. Mais l’appât du gain et les revenus potentiels de l’exploitation pour financer sa lutte contre la junte pèsent en faveur de l’expansion des mines.

Faute de cartographie géologique, on ignore l’ampleur des réserves en terres rares de la Birmanie. Face à cette incertitude, la Chine est d’ores et déjà à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement, notamment au Laos et en Malaisie.

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