Au Japon, en pleine pénurie, on ne badine pas avec le riz
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Scandale au pays du sushi. Le ministre de l’Agriculture japonais a démissionné mercredi 21 mai après ses propos polémiques sur le riz. Alors que le pays fait face à une pénurie et à une flambée historique du prix du riz, les médias japonais ont révélé que ce haut responsable s'est vanté de recevoir du riz en abondance, et gratuitement.

« Je n’ai jamais acheté de riz. Mes sympathisants m’en donnent énormément. J’en ai tellement dans mon garde-manger que je pourrais en vendre ! ». Voilà ce que Taku Eto, ministre japonais de l'Agriculture a déclaré lors d'une soirée de levée de fonds pour son parti politique, pensant faire rire son public. Ses propos, relayés par la presse japonaise, ont suscité l'indignation car les prix du riz ont doublé en un an. Aujourd’hui, les Japonais payent près de six euros le kilo de riz.
Après des excuses maladroites, qui ont donné l'impression que le ministre de l'Agriculture vivait dans une bulle, déconnectée des réalités quotidiennes, le principal parti d'opposition, le Parti démocratique constitutionnel du Japon, mais aussi certains membres de la coalition de droite au pouvoir, ont appelé à sa démission. Ce qu'il a donc fait, mercredi, quelques heures après que le gouvernement ait annoncé puiser dans ses réserves stratégiques de riz pour alimenter un peu le marché. En mars dernier, le Japon avait déjà débloqué 210 000 tonnes de ce riz censé servir en cas d'urgence. De quoi remplir les étalages, mais pas faire baisser les prix.
Pourquoi les prix du riz ont flambé au Japon
Plusieurs facteurs expliquent la hausse, que le gouvernement a bien du mal à enrayer. Tout a commencé avec des mauvaises récoltes dues aux vagues de chaleur en 2023. Le manque a été exacerbé par une demande accrue, quand un « méga-séisme » a été annoncé l'été dernier et que les gens ont fait des achats de riz en panique. Les rayons des supermarchés se sont vidés et le riz carrément rationné par les négociants. Cette pénurie aurait poussé certains distributeurs à profiter de la situation pour le revendre plus cher.
Mais il y a des raisons plus structurelles à la crise du riz au Japon : le gouvernement a mené, depuis les années 80, une politique de réduction des surfaces de riz cultivées pour répondre au déclin démographique, afin que l’offre et la demande s’équilibrent, et que le prix payé aux producteurs ne baisse pas trop.
Sachant que les riziculteurs ont un poids politique très important au Japon. Le découpage électoral ait ainsi fait que les zones rurales sont essentielles pour gagner les législatives. La droite au pouvoir - qui domine depuis longtemps la vie politique japonise - a donc toujours beaucoup ménagé les lobby agricoles.
D'ailleurs, la politique de baisse de production du riz est encore subventionnée, en dépit des coûts faramineux que ça implique et des problèmes de production actuels. Les paysans sont payés pour ne pas exploiter les rizières.
Pourquoi le riz importé n’est pas la solution
Pour ces questions de protection de la filière rizicole japonaise, le riz importé est très taxé par Tokyo. Il ne représente d'ailleurs que 10% du marché du riz au Japon et c’est un riz essentiellement destiné à l'industrie et à l'alimentation animale. En fait, les Japonais consomment avant tout leurs variétés de riz locaux, par habitude, par culture alimentaire. Le marché du riz japonais est donc relativement fermé et insensible au prix pratiqués sur le marché mondial.
N'empêche que le mécontentement des Japonais se fait de plus en plus sentir, comme l’indiquent les sondages. Avec les prochaines élections parlementaires prévues en juillet, le nouveau ministre de l'Agriculture qui vient d'être nommé, Shingiro Koizumi - ancien ministre de l'Environnement, très populaire et favori pour devenir le futur dirigeant du Japon - a déclaré que sa priorité absolue est de faire baisser les prix du riz et renforcer la sécurité alimentaire. À voir si cela mènera à une véritable refonte de la politique rizicole du Japon.
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