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Corée du Sud: des sacs Chanel aux pots-de-vin, les liens entre la secte Moon et l’ex-couple présidentiel dans le viseur de la justice

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L’ex-première dame est de nouveau sous le feu des projecteurs. Kim Keon-hee, épouse de l'ancien président Yoon Suk-yeol, destitué après sa tentative ratée de coup d’État, comparaissait mercredi 24 septembre devant un tribunal de Séoul. Elle est accusée de manipulation boursière, mais aussi de corruption. Elle aurait accepté des cadeaux de la secte Moon en échange de faveurs politiques. La leader de l’Église de l’Unification a été arrêtée ce mardi.

L'ancienne première dame de Corée du Sud, Kim Keon-hee, devant le tribunal, le 12 août 2025.
L'ancienne première dame de Corée du Sud, Kim Keon-hee, devant le tribunal, le 12 août 2025. © Jung Yeon-je / AP
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Deux sacs Chanel et un collier de diamants pour un total d’un peu moins de 50 000 euros. L’Église de l’Unification, ou secte Moon, n’aurait pas hésité à mettre la main à la poche pour s’attirer la sympathie du couple présidentiel entre février et mars 2022. En plus de ces cadeaux, un député proche du couple présidentiel aurait reçu 60 000 euros de la part de la Fédération des familles pour la paix mondiale (le nom officiel de l’Église). Tous sont désormais en détention.

Cette affaire défraie la chronique en Corée du Sud. Alors que l’ex-couple présidentiel, visé par plusieurs chefs d’accusation (tentative de coup d’État, corruption, manipulation boursière), se trouve en détention, l’arrestation de la leader de l’Église de l’Unification vient ajouter une nouvelle page dans la longue histoire des liens ambigus entre culte et politique en Corée du Sud. Park Geun-hye (ancienne présidente conservatrice de 2013 à 2017) avait été condamnée à 32 ans de prison (avant d’être graciée) dans une gigantesque affaire de corruption où l’influence d’une chamane sur la cheffe d’État était centrale. Mais ce nouvel épisode est d’autant plus retentissant qu’il implique la secte Moon et sa leader, Hak Ja Han Moon, dite « la vraie mère ».

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« La vraie mère »

« Libérez-la, libérez-la », ont hurlé les fidèles de l’Église, rassemblés le 23 septembre devant le centre de détention de Séoul où se trouvait l’épouse du messie autoproclamé Moon Sun-myung, fondateur de la secte. Depuis le décès de son mari, avec qui elle a eu quatorze enfants, Han Hak-ja incarne le culte pris dans un tourbillon judiciaire.

À 82 ans, elle est soupçonnée d’être le cerveau derrière un scandale de corruption, de détournement de fonds, mais aussi d’ingérence électorale. Les procureurs soupçonnent l’Église, qui assure avoir 3 millions de fidèles dans le monde et jusqu’à 300 000 en Corée du Sud, un chiffre qui est probablement surestimé, d’avoir voulu influencer les élections internes du parti pour favoriser des personnalités en accord avec l’agenda puritain et viscéralement anticommuniste de la secte. En plus des multiples cadeaux au couple présidentiel, elle aurait poussé au moins 110 000 membres de son Église à rejoindre le Parti conservateur.

L’ancien président Yoon est en détention entre autres pour sa tentative manquée de coup d’État. L’ex-première dame comparaît au pénal dans le cadre de cette affaire, mais également pour d’autres chefs d’accusation (elle a été filmée acceptant un sac Dior de la part d’un pasteur, NDLR). La leader de la secte, elle aussi, voit ses ennuis judiciaires se multiplier. Les procureurs la soupçonnent également d’avoir voulu détruire des preuves dans un dossier séparé de paris à l’étranger, une pratique illégale en Corée du Sud. L’Église et sa dirigeante nient en bloc toutes les accusations, « Je ne m'intéresse pas à la politique coréenne et je la connais très peu », aurait déclaré Han Hak-ja à la barre.

Interdite au Japon

Un nouveau scandale qui, en tout cas, n’arrange pas les affaires de l’Église de l’Unification, la Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification dans son nom complet. En mars dernier, la justice japonaise a dissous la secte dans le pays. Un manque à gagner important : l’archipel représentait la première manne financière du mouvement.

Mais c’est encore une fois les liens de la secte avec le pouvoir qui ont causé ses déboires judiciaires. En 2022, Shinzo Abe, ancien Premier ministre, est assassiné. Le meurtrier assure avoir agi pour venger sa famille ruinée par ses importants dons à la secte et accuse l’homme politique de lui avoir permis de gagner une influence conséquente.

De nombreuses enquêtes ont révélé les liens profonds entre l’Église de l’Unification et le Parti libéral-démocrate. La secte Moon avait tissé une influence politique considérable au sein de la formation politique qui gouverne le pays presque sans discontinuer depuis 1955. Déjà interdite à Singapour (en 1982), la secte multiplie les déconvenues, et l’empire fondé par Moon Sun-myung est désormais vacillant.

En plus des scandales à répétition, la branche officielle de l’Église est divisée et a perdu le contrôle d’une partie de son immense manne financière. Les enfants du fondateur se sont longtemps disputé le trésor de guerre laissé par leur père : environ 500 millions de dollars d’actifs placés aux États-Unis puis en Suisse. Le 3 juillet dernier, la justice américaine a tranché et donné raison au fils aîné, qui a créé sa propre branche de la secte.

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