Internet, téléphonie, communications suspendues: les Afghans coupés du monde pendant 48 heures
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Après presque trois jours de coupure totale, internet et le réseau de téléphonie mobile ont été rétablis, mercredi 1er octobre, dans plusieurs provinces afghanes, dont Kaboul. Une réouverture qui a suscité des scènes de liesse dans la capitale, après une coupure nationale décidée par le gouvernement taliban. Ce n'est pas la première fois que le régime coupe les communications dans le pays. Mais c'est la première fois qu'une coupure dure aussi longtemps et qu'elle est générale.

Cette coupure marque un tournant dans le pays, quatre ans après la chute de Kaboul et le retour au pouvoir des talibans. Gohar Safi est journaliste dans une radio du nord-est du pays, dans la région de Kunar. Pendant plus de 48 heures, il a observé sa région à l’arrêt, et décrit ce qu’il qualifie de « retour dans les années 1980 ». « Le matin, dans ma ville, à Assadâbâd, il n'y avait personne, raconte-t-il. On aurait pu croire qu'il y avait eu quelque chose de très grave, vous savez. Un confinement ou une attaque à la bombe par exemple ». Il ajoute que le bazar de sa ville, en général très animé, était complètement vide.
La coupure n'a pas seulement empêché Gohar Safi de contacter ses proches pendant plus de 48 heures. Elle a également eu des conséquences sur son activité de journaliste. « Tout a été mis à l'arrêt, rappelle-t-il, les magasins, les médias, les écoles, tout était sur pause. Moi j'ai une émission radio. Pendant 48 heures, il n'y a pas eu de diffusion parce que je ne pouvais pas me connecter à mes auditeurs », regrette-t-il. Seuls les Afghans équipés de téléphones satellites étaient joignables pendant la coupure.
Des conséquences sur les populations vulnérables
Et au-delà des conséquences sur l’activité quotidienne, cette mise à l’arrêt générale a également des effets sur le travail des humanitaires, comme Vanessa Boley, la représentante adjointe de l’agence des Nations unies pour les réfugiés à Kaboul. « À plusieurs reprises, nous avons été déconnectés de nos sous-délégations à Jalalabad et Kandahar et nous avons dû suspendre tous nos mouvements sur le terrain », déplore-t-elle.
Elle ajoute que la coupure a paralysé le système bancaire dans le pays, un système dont dépendent les personnes accompagnées par l’agence onusienne. « Nous distribuons de l'argent aux Afghans qui reviennent d'Iran ou du Pakistan, soit volontairement soit de façon forcée. Des centaines de personnes n'ont pas pu être assistées ». Des personnes particulièrement vulnérables qui ont un besoin urgent du soutien de la communauté internationale, selon l’humanitaire. Les femmes aussi font partie des principales victimes de la coupure, elles à qui les talibans ont interdit d’aller à l'école, et qui dépendent complètement des cours en ligne pour s'éduquer. Une chape de plomb supplémentaire pour les femmes afghanes, dont les conditions d’existence ne cessent de se détériorer.
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Une stratégie de la peur
Pour le journaliste Gohar Safi, cette coupure a créé de la colère chez les jeunes générations et chez les commerçants contre le gouvernement. Une colère que les Afghans ne peuvent pas exprimer. Le média TOLOnews cite tout de même des Kabouliens qui appellent le gouvernement à ne pas autoriser de coupure supplémentaire. Le gouvernement, qui parlait, lors des premières mises à l’arrêt, de lutte contre le vice, mais qui a changé de discours mercredi, lorsque les lignes ont été rétablies. Si le pays a été plongé dans le noir c’est à cause de la réparation de câbles à fibre optique dans le pays, a déclaré le porte-parole du gouvernement. Le militant en exil Muslim Shirzad, lui, y voit une stratégie des talibans. Pour lui, « la coupure a eu un impact psychologique important », constate-t-il. « Les gens sur place se sont dit : "Ça y est, on est coupé du monde". Pour eux, cette coupure c'est une façon pour les talibans de maintenir une pression psychologique dans un pays où les habitants sont habitués à utiliser les nouvelles technologies ». Maintenir la pression, pour faire taire toute velléité de dissidence et menacer les Afghans de fermeture totale du pays.
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