Ça fait débat avec Wathi

Sénégal: après un nouveau drame, une mobilisation prometteuse pour des services de santé décents

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Un drame qui provoque un tollé au Sénégal depuis le début du mois. Une jeune femme sur le point d'accoucher est morte à l'hôpital de Louga dans le nord du pays. On lui a refusé une césarienne parce qu’elle n’était pas programmée ce jour-là. Au-delà de l'émotion, cette affaire crée la polémique autour des défaillances du système de santé sénégalais et notamment celles qui concernent les femmes...

Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga
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C’est un scandale de plus qui suscite une vive émotion au Sénégal et a déclenché une mobilisation immédiate de la part des citoyens, et des citoyennes en particulier, qui y voient une nouvelle preuve des violences physiques ou morales à l’égard des femmes dans les structures de santé, souvent traitées avec peu de bienveillance au moment de l’accouchement, donc précisément pendant un moment particulier de vulnérabilité, de risque et de dépendance.

Sur les réseaux sociaux, ce sont des milliers de personnes qui continuent à s’exprimer sur ce décès « évitable » selon les termes utilisés par le ministre sénégalais de la Santé, qui a dû convoquer une conférence de presse. Le scandale est en effet remonté jusqu’à la présidence de la République. Le directeur de l’hôpital concerné a été limogé. Un collectif dénommé « Patients en Danger » a été formé en quelques jours par des citoyennes et des citoyens sénégalais avec pour objectif d’interpeller l’État sur la nécessité de garantir l’accès à des soins adaptés et de qualité à la population et particulièrement aux femmes enceintes... 

RFI : on l'a vu, après le décès évitable de cette jeune femme enceinte comme l'a reconnu le ministre de la Santé, la mobilisation citoyenne au Sénégal a été forte. Mais plus globalement ces problèmes de prise en charge au sein des services publics du domaine de la santé concernent une grande partie des pays de la région. Pour vous les Etats doivent engager des réformes profondes...

Oui tout à fait. Le signal qui est donné aux populations par ces dysfonctionnements est désastreux. Il faut aller bien au-delà de la dénonciation du comportement certes parfois scandaleux des soignants, médecins, infirmiers, sages-femmes, ou aides-soignants. Il faut examiner la chaîne de responsabilité qui va du plus haut niveau de décision politique, celui où se décident notamment les allocations budgétaires affectées à la santé jusqu’au niveau du personnel en contact direct avec les patients.

Il y a quelques semaines, lors d’une table ronde en ligne de Wathi, nous avons discuté des différents facteurs explicatifs des défaillances dans le fonctionnement des structures de santé. Et ce qui ressortait clairement de ces échanges, c’est la nécessité d’apporter des réponses institutionnelles qui passent par une réorganisation en profondeur des structures de santé, sur la base d’une priorité qui serait enfin donnée à la qualité des services offerts aux patients, des réponses qui doivent passer également par des changements dans les écoles et les universités qui assurent la formation des personnels de santé.

Vous nous aviez parlé à cette antenne de la pétition lancée par Wathi appelant au renforcement des systèmes de santé avec des recommandations concernant justement l’accueil des patients, l’éthique professionnelle et l’investissement dans les ressources humaines…

Tout à fait. Dans la pétition en ligne, toujours ouverte aux signatures, nous appelons les gouvernants et les élus des pays ouest-africains à « annoncer des mesures immédiates visant à clarifier la responsabilité des directeurs des établissements publics de santé en cas de défaillances graves dans le fonctionnement de ces établissements portant préjudice aux usagers, et à remettre au cœur des parcours de formation des professionnels de santé l’éthique, l’écoute et l’empathie ». Nous appelons aussi à la mise en place des dispositifs permettant aux usagers de dénoncer les cas graves de négligence coupable dans les structures de santé.

Cela permettrait de saisir l’ampleur du fléau. Nous estimons aussi qu’il faut rendre publiques sur un site internet actualisé les données statistiques sur le personnel médical disponible dans toutes les régions et favoriser ainsi le suivi par les citoyens des efforts de réduction des inégalités d’accès aux services de santé. Plus que jamais, la mobilisation des citoyens va être déterminante pour obtenir des services publics décents. Et le smartphone et les réseaux sociaux sont, dans ce registre-là, des outils puissants et utiles.  

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