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Coronavirus: «Les chefs d'État africains doivent prendre la menace au sérieux»

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Le coronavirus est désormais un problème sanitaire mondial. De plus en plus de pays enregistrent des cas positifs. Un premier cas a été recensé en Afrique subsaharienne, au Nigeria et le continent se prépare. L'Afrique a en effet tout intérêt à empêcher l'éclatement d'une épidémie qu'elle aurait des difficultés à gérer. Le docteur John Nkengason, directeur de l'Africa CDC, le Center for Disease Control de l'Union africaine, répond aux questions de Laurent Correau.

Le directeur de l'Africa CDC, John Nkengasong.
Le directeur de l'Africa CDC, John Nkengasong. AFP/Michael Tewelde
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RFI : Il y a deux cas recensés en Afrique du Nord, en Égypte et en Algérie. Quelle est la réponse qui a été mise en place dans ces deux pays ?

John Nkengasong : Je peux vous dire que les deux pays [Algérie et Égypte] ont très bien réagi. Ils ont pu faire un diagnostic adéquat parce que, dès le départ, ils avaient fait des tests diagnostiques et les malades ont été mis en quarantaine. Donc, les deux pays ont très bien agi pour gérer le cas.

Ces tests diagnostiques sont largement répandus sur le continent ? Est-ce que d’autres pays en disposent à l’heure actuelle ?

Tout à fait. Et il y a quelques semaines seulement, il y avait seulement deux pays, à savoir le Sénégal et l’Afrique du Sud, qui étaient capables de poser un diagnostic pour ce virus-là. Mais aujourd’hui, je peux dire qu’avec les efforts que Africa CDC et l’OMS [Organisation mondiale de la santé] sur le continent ont mis, il y a plus de 40 pays qui sont capables de faire un diagnostic de ce virus.

Faut-il craindre que d’autres cas, non détectés, existent tout de même ?

Ça, c’est une crainte tout à fait justifiée. Toutes les mesures doivent être mises en place par tous les pays pour continuer activement à rechercher les cas. Il faut mettre en place ce que nous appelons un système de surveillance actif, donc des malades avec symptômes doivent se présenter eux-mêmes. Puis nous devons aussi rechercher dans tous les hôpitaux pour voir si les malades présents ou bien les individus présents avaient de symptômes comme ça. Ils doivent être testés rapidement et puis des mesures adéquates doivent être mises en place pour la gestion des malades au cas où des cas sont détectés.

Est-ce que dans l’état actuel des choses, les systèmes hospitaliers africains sont prêts à prendre en charge des cas qui se révéleraient positifs au coronavirus ?

Des systèmes sont capables de prendre en charge quelques cas, mais au cas où nous serions inondés comme ce que nous avons vu en Chine, ce serait très difficile, parce que nos systèmes de santé ne sont pas aussi adéquats pour gérer plusieurs cas. C’est pour cela que notre stratégie doit être toujours de rechercher des cas le plus tôt possible et de maîtriser ça avant que ça ne devienne étendu dans le pays, parce que nous n’avons pas de système pour les prises en charge comme ce que nous avons vu en Chine.

Quelles sont du coup vos préconisations à l’endroit des États africains ? Qu’est-ce qu’il faut faire justement pour que ces épidémies n’apparaissent pas sur le territoire africain ?

Ce serait difficile d’empêcher que l’épidémie n’apparaisse pas sur le continent. Vraiment le message important, c’est que tous les chefs d’État en Afrique doivent prendre ça au sérieux. C’est une menace très grave, donc il faudra mettre sur place tous les moyens pour que les pays se préparent pour lutter contre cette menace. Il faut mobiliser les moyens à l’intérieur de chaque pays d’abord. Puis aussi, tous les partenaires doivent appuyer les efforts et préparer les pays pour lutter contre cette menace.

Vous pensez que le continent manque encore de moyens pour faire face au coronavirus ?

Bien sûr. Il faut beaucoup de moyens pour faire face au coronavirus. Et il faut avoir des stockages de matériel de protection, comme les masques. Il faut avoir du renforcement au niveau du système sanitaire et pour que les personnels soient mieux formés, précisément pour mieux gérer cette épidémie. Il faut avoir le matériel de laboratoire. Il ne suffit pas d’avoir quelques tests, il faut former beaucoup de personnel des laboratoires qui puissent être capables de tester le virus adéquat. Il y a plusieurs choses que le continent doit appuyer pour mieux lutter contre cette menace.

Est-ce que le continent va pouvoir s’appuyer sur l’expertise qu’il a développée lors de l’épidémie de virus Ebola pour faire face au coronavirus ?

Absolument. Il n’y a aucun doute que nous avons déjà un certain nombre de capacités qui sont sur le continent. D’abord, ce sont des ressources humaines. Il y a beaucoup de gens qui ont été formés. Nous-mêmes au niveau de l’Union africaine, nous avons mobilisé 800 personnes lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. Nous sommes capables de rapidement activer ces 800 personnes. La deuxième chose, c’est le côté laboratoire. Il y a beaucoup de pays qui ont déjà renforcé les capacités de laboratoire. Il suffit maintenant d’y avoir des réactifs pour faire des tests de coronavirus. Donc cela existe déjà, il faut simplement passer à l’échelle supérieure.

Aujourd’hui, que recommandez-vous aux populations africaines ?

Je recommande qu’elles commencent à pratiquer des mesures simples : se laver les mains, multiplier le nombre de fois où on se lave les mains, il faut absolument que les gens se présentent à l’hôpital s’ils se sentent avec des signes de grippe. Donc, avec des mesures simples, la population peut déjà être prête au cas où le virus poserait des problèmes en Afrique.

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