Vers des prix négatifs du gaz naturel liquéfié en Europe ?
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Le pétrole est en excédent, mais le gaz également. Les stockages se remplissent en Europe et l’on pourrait voir des prix négatifs du gaz dans les prochains mois.

Un hiver doux de part et d’autre de l’Atlantique avait diminué la consommation de gaz pour le chauffage dans l’hémisphère Nord. L’épidémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver ce ralentissement de la demande gazière. Même si le coup de frein n’est pas aussi brutal que pour le pétrole, principalement affecté par l’arrêt des transports, la consommation de gaz devrait être inférieure de 15 à 18 % aux prévisions en 2020, un déclin de 3 % rien que pour la production d’électricité.
Baisse de 15 à 18 % de la consommation de gaz
Et cela se traduit par une surproduction gazière, en particulier une surproduction de gaz naturel liquéfié, le GNL, transporté à très basse température à bord des méthaniers. Dès le mois de février, le Qatar, premier exportateur mondial de GNL, a commencé à rediriger ses cargaisons de l’Asie, frappée par le coronavirus, vers l’Europe, qui était déjà la destination phare du GNL américain, devenu indésirable en Chine. Mais l’économie européenne s’est à son tour trouvée stoppée par l’épidémie.
Le Qatar et le Nigeria continuent d’expédier des méthaniers vers l’Europe
La Russie s’est adaptée en baissant sa production gazière de 20 %, de même que la Norvège. Certaines grandes compagnies ont annulé leur commande de GNL américain, ne payant que le service de liquéfaction. En revanche, le Nigeria a continué d’expédier des méthaniers vers l’Europe, de même que le Qatar. L’Europe est effectivement la région du monde qui offre la plus grande capacité de stockages souterrains. L’émirat qatarien dispose d’ailleurs de ses propres réservoirs au port de Zeebruges, en Belgique, jusqu’en... 2044.
Stockages européens saturés dans les trois prochains mois ?
Mais ces réserves européennes arrivent à saturation. « Elles sont à 60 % pleines, c’est un niveau anormalement élevé, 15 à 20 % de plus que d’habitude », souligne Thierry Bros. Ce spécialiste des questions gazières, professeur à Sciences Po, n’exclut pas qu’on arrive aux « capacités maximales dans les trois prochains mois, avant la fin de l’été. Ce serait alors le signal pour des prix négatifs du gaz », en Europe et probablement, par contagion, en Asie.
Ce phénomène, qui était inédit pour le pétrole jusqu’au 20 avril dernier, « s’est déjà produit plusieurs fois pour le gaz aux États-Unis, en 2018 et 2019, rappelle Philippe Sébille-Lopez, du cabinet Geopolia, faute de place dans les gazoducs ». Mais le gaz était alors un sous-produit du pétrole de schiste, qui était beaucoup plus rentable.
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