Reportage international

Covid-19 au Kurdistan irakien: urgence sanitaire ou manipulation politique?

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Alors que l'Iran semble faire face à une deuxième vague de coronavirus, la petite région frontalière du Kurdistan irakien s'inquiète elle aussi. Le ministre de la Santé a annoncé mardi que 75% des cas dans la région avaient été déclarés durant le dernier mois. Une urgence sanitaire pour certains, une manipulation politique pour d'autres afin de contrôler une population en colère.

Un groupe de femmes traversent une rue de Erbil, la capitale de la région autonome kurde du nord de l'Irak, le 7 mars 2020 (image d'illustration).
Un groupe de femmes traversent une rue de Erbil, la capitale de la région autonome kurde du nord de l'Irak, le 7 mars 2020 (image d'illustration). SAFIN HAMED/AFP
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En mars dernier les autorités du Kurdistan irakien ont rapidement imposé un confinement strict et militaire. Mais face à la nécessité de nourrir leur famille les habitants de la région autonome ont vite repris le chemin du travail. Une réaction que ce policier qui préfére garder l'anonymat comprend entièrement.

« Aujourd'hui il n'y a plus aucune confiance entre les autorités et le peuple. Alors au début on a voulu installer un confinement, nous avons tous reçu des consignes en tant que forces de l'ordre afin de faire respecter ce confinement. Mais les gens ont refusé de respecter ces ordres. Rapidement le gouvernement a été obligé de faire marche arrière. »

Ce policier comme beaucoup de ces collègues a refusé de se battre contre un peuple dont il partage les difficultés. Depuis des années des manifestations violemment réprimées accusent le gouvernement du Kurdistan irakien de corruption. Notre interlocuteur, une fois son service terminé, a lui-même rejoint les rangs des manifestants. « Les manifestations qui ont eu lieu ces derniers jours ont été causées par l'injustice qui règne au Kurdistan. Un exemple : nous sommes en juin, et nous fonctionnaires, n'avons toujours pas reçu notre salaire de février. C'est une catastrophe. Les gens vivent dans la misère. Si on ne vous donne pas de salaire ni de quoi répondre aux besoins de première nécessité. Vous êtes obligé d'agir, de parler. »

Malgré la peur du Covid-19 dans une région au système hospitalier défaillant, la colère de la population n'a fait qu'empirer face à la gestion de la crise sanitaire puis économique par les autorités. Les différents partis politiques s'accusent mutuellement d'aggraver la situation pour en tirer profit.

Dans la rues, les manifestants refusent d'abandonner leur mouvement. Delshad Babani est l'une des figures des manifestations depuis années. « Aujourd'hui, si le gouvernement continu d'utiliser le coronavirus comme une excuse pour nous contrôler nous aurons deux choix : Le premier est de manifester en respectant les distances de sécurité. Dans ce cas, nous devrons rester encore longtemps dans la rue. L'autre solution demande beaucoup de discussion. Nous sommes actuellement en contact avec d'autres comités de manifestants. Nous voulons nous unir et marcher ensemble jusqu'à la capitale Erbil. Si on nous empêche d'y entrer nous voulons que les consulats, le parlement irakien, le monde entier soit au courant. Que tout le monde sache que la vie de nos citoyens est en danger. »

Ces derniers jours, les manifestations ont atteint des villes généralement plus contrôlées de Dohuk et Erbil. Elles ont été rapidement étouffées par plusieurs dizaines d'arrestations et disparitions.

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