Reportage international

Inde: à Tirupur, la guerre commerciale avec les États-Unis menace des milliers d’emplois du textile

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Accusant l’Inde d'être trop protectionniste et de financer la guerre en Ukraine par l’achat de pétrole russe, Donald Trump lui a infligé 50% de barrières douanières. Depuis, les relations entre l’Inde et les États-Unis ne cessent de se tendre. Notre reporter s’est rendu à Tirupur, dans le sud de l’Inde, appelée la capitale du textile indien. On y trouve 10 000 petites usines textiles qui emploient au moins 600 000 ouvriers. Toute la métropole dépend du textile, dont une bonne partie à l'export vers les États-Unis. Enfin, jusqu'à il y a peu…

Des employés dans une usine de confection à Tiruppur, dans l'État du Tamil Nadu, au sud de l'Inde, le 25 septembre 2025. Les droits de douane de 50% imposés par Trump sur les produits indiens en août ont perturbé l'industrie textile exportatrice du pays, qui pèse 11 milliards de dollars, et ébranlé la confiance dans le marché américain.
Des employés dans une usine de confection à Tiruppur, dans l'État du Tamil Nadu, au sud de l'Inde, le 25 septembre 2025. Les droits de douane de 50% imposés par Trump sur les produits indiens en août ont perturbé l'industrie textile exportatrice du pays, qui pèse 11 milliards de dollars, et ébranlé la confiance dans le marché américain. © Satish BABU / AFP
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De notre envoyé spécial à Tirupur,

Sur les trois étages de VPR Textiles, seuls quelques ouvriers s’affairent encore à la découpe. « Cinquante pour cent de taxes, c’est terrible pour Tirupur. Depuis quelques semaines, nous n’avons plus aucune commande, car 80% de nos clients venaient des États-Unis. Ils ont annulé. Moi, je fais 10% de marge, il m’est impossible de compenser ! », s'inquiète Ponnusamy, propriétaire de l'atelier. « Il y a soixante ouvriers ici. Je ne veux pas les licencier. Mais d’ici quelques semaines, je n’aurai pas d’autre choix. »

Avec un chiffre d’affaires annuel de près de 8 milliards d’euros à l’export, Tirupur est une réussite industrielle. Si les portes du marché américain se ferment définitivement, la ville saura rebondir, assure le président de la Tirupur Export Association : « Sur 5 milliards d’euros d’exportations dans les usines de Tirupur, 1,6 milliard vont aux États-Unis en moyenne, soit un tiers. Pour l’instant, seuls 5% des emplois sont menacés. Et nous allons nous tourner vers de nouveaux marchés. Ça ne se fera pas en un jour, mais c’est l’affaire de six mois. »

Entre incertitudes diplomatiques et espoirs européens

Alors que les échanges continuent entre Donald Trump et le Premier ministre indien Narendra Modi, certains espèrent un accord commercial plus arrangeant. Au local du Parti communiste indien, bien implanté dans cette ville ouvrière, l’inquiétude est plus marquée : « 30 % du marché qui s’évapore, cela ne va pas être compensé du jour au lendemain. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois menacés à Tirupur. Les patrons disent qu’il y a peu de licenciements, mais c’est parce qu’ils renvoient les migrants pauvres venus du nord qui travaillent au noir et ne sont pas comptabilisés. »

C’est l’Union européenne qui est dans tous les esprits, après la conclusion d’un accord de libre-échange entre l’Inde et le Royaume-Uni. Le patron d’Esstee Exports, un des plus grands exportateurs de Tirupur, se veut confiant : « Si un accord de libre-échange est signé avec l'Union européenne, on doublera nos exportations là-bas et ça compensera les risques liés à nos relations troublées avec les États-Unis. »

Reste le risque que toutes ces négociations échouent. Tirupur compenserait alors difficilement avec le marché intérieur indien, immense mais bien moins riche. 

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