Cette semaine, Le Monde en question s’intéresse à l’aggravation de la crise politique et économique au Liban. Comment expliquer une telle dégradation et surtout la difficulté à trouver des solutions de sortie de crise ?

Le rebond de la crise libanaise s’explique par les effets du confinement, qui a accentué la dégradation de la situation économique et sociale d’un pays qui était déjà au bord de la faillite.
Situation qui avait conduit aux grandes manifestations de l’automne dernier, quand des dizaines de milliers de Libanais étaient descendus dans les rues pour dénoncer, non seulement l’incurie de dirigeants incapables de régler la crise financière et économique du Liban, mais aussi un système politique à bout de souffle, rongé par la corruption et par un jeu d’équilibre devenu inopérant entre les différentes confessions du pays, musulmans chiites, musulmans sunnites et chrétiens.
Entamée en octobre dernier, ce que les protestataires appellent la « thawra » - la révolution -, a entraîné le départ du Premier ministre sunnite Saad Hariri, fin décembre, et l’arrivée aux affaires d’une personnalité plus neutre, plus technicienne, Hassan Diab. Ce dernier s’est engagé à mettre en œuvre les réformes économiques, sociales et politiques dont le Liban a cruellement besoin.
Mais voilà : six mois après sa nomination, les réformes tardent, et les manifestations ont repris dès la fin du confinement. Pour sa défense, Hassan Diab explique qu’il a du mal à concrétiser ses réformes, faute d’un soutien suffisant et sincère de l’ensemble des partis politiques. Et de fait, on sent bien que les calculs partisans sont en train de reprendre le dessus, et avec eux les antagonismes confessionnels qui ont mené le Liban à la guerre civile entre 1975 et 1990.
Pour schématiser, on peut dire que les partisans de Saad Hariri, le clan sunnite pour aller vite, estiment qu’ils ont été un peu les dindons de la farce à l’automne dernier. Et que Hassan Diab, qui se dit apolitique, est en fait un homme de paille qui œuvre pour les clans chiite et chrétien. De fait, il est vrai que monsieur Diab est soutenu par deux formations chiites : le très puissant Hezbollah et le parti Amal, et par la droite chrétienne dont est issu le président libanais Michel Aoun.
Et l’ambiance politique devient délétère. Les reproches mutuels se multiplient entre les partisans de Hassan Diab. Ils accusent la famille Hariri de tout faire pour saboter les réformes en cours.
De leur côté, les pro-Hariri estiment que le Hezbollah profite de la crise actuelle pour accroître son emprise sur le pays et le replacer sous l’influence du régime syrien.
Et pendant ce temps, la crise sociale devient explosive avec un taux de pauvreté qui concerne désormais un Libanais sur deux, la livre libanaise qui s’effondre, et la dette publique qui atteint 170% du PIB.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne