Alors que le Liban traverse une grave crise politique et économique, Saad Hariri est à nouveau nommé au poste de Premier ministre. Ce retour peut-il permettre au pays de sortir de l’ornière ?

On doit l’espérer tout en restant prudent, tant la personnalité de Saad Hariri ne garantit pas une nouvelle donne pour le Liban. D’abord, ce retour au pouvoir de celui qui a dû quitter son poste en décembre dernier sous la pression de la rue a tristement un air de déjà-vu. Pour beaucoup de Libanais qui ont manifesté pendant des mois pour demander de meilleures conditions de vie et un système politique régénéré, débarrassé du poison confessionnel et de la corruption, la pilule doit être amère à avaler. Tout ça pour ça, doivent-ils penser.
C’est donc le premier défi de Saad Hariri : convaincre son opinion publique qu’il peut incarner, lui, l’homme du sérail, lui l’homme fort du clan sunnite, le renouveau dont le pays a tant besoin. Son deuxième défi très concret et très immédiat, c’est de former enfin un gouvernement composé de personnalités compétentes, issues de la société civile.
C’est ce que demande la communauté internationale et notamment le président Emmanuel Macron, dans ce qu’on appelle l’initiative française, dont la première phase a été un échec puisque le prédécesseur de Saad Hariri n’a pas réussi à composer ce gouvernement d’experts et a jeté l’éponge, provoquant la colère et des mots très durs du président français contre la classe politique libanaise, accusée de trahison et de corruption.
Les points forts et les points faibles de Saad Hariri
Saad Hariri s’est engagé à respecter cette initiative française et donc à former rapidement ce fameux gouvernement. Condition sine qua non pour obtenir une aide internationale de plusieurs milliards de dollars.
Y parviendra-t-il ? Telle est la question. Il a pour lui quelques atouts : une longue expérience du pouvoir, le fait qu’il ait été accepté par les différentes confessions de la classe politique – sunnite bien sûr, mais aussi chrétienne et surtout chiite. Le puissant Hezbollah en particulier ne s’est pas opposé à son retour.
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Mais en même temps, c’est là que réside aussi son point faible : une quasi-impossibilité, tant il fait partie du jeu, de sortir d’une logique confessionnelle. L’horlogerie politico-religieuse imaginée pour gérer les tensions entre confessions s’est détraquée. Dégradée, pervertie, elle s’est retournée contre le Liban. Elle engendre un communautarisme régressif qui emprisonne chaque Libanais dans sa communauté confessionnelle – qu’il soit croyant ou non.
Abandonner le paradigme confessionnel
Depuis un an, les Libanais disent qu’ils ne veulent plus de tout ça. Ils disent qu’avant d’être druze, musulman chiite ou sunnite ou encore chrétien, ils sont libanais. Saad Hariri parviendra-t-il à dépasser cette contradiction ? C’est à voir dans les prochaines semaines.
S’il parvient à former un gouvernement d’experts, les négociations avec le FMI pourront progresser. Une aide internationale qui sera conditionnée à l’entrée en vigueur de réformes en profondeur du système bancaire et fiscal notamment. Notamment pour enrayer l’abyssale dette publique du pays équivalent à 160 % du PIB. Et bien sûr, le système politique devrait lui aussi abandonner pour de bon le paradigme confessionnel. Mais ce dernier point sera un des plus durs à réaliser. On souhaite bonne chance à Saad Hariri.
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