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Côte d’Ivoire: un projet pilote pour permettre aux femmes d’accéder à la terre

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En Côte d’Ivoire, 12% des femmes seulement sont propriétaires de leurs terres, selon les données officielles du gouvernement ivoirien. Le Projet d’appui à l’accès des femmes à la propriété foncière (AFPF) a entrepris, depuis 2022 et jusqu’en 2024, de leur faire prendre conscience de leurs droits, en partenariat avec plusieurs associations ivoiriennes et avec l’appui technique et financier de l’USAID, l’agence américaine pour le développement international.

Région rurale du Guémon, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, juillet 2023.
Région rurale du Guémon, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, juillet 2023. © RFI/Marine Jeannin
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Avec notre envoyée spéciale à Guiglo, Marine Jeannin

Marie Guei le sourire aux lèvres. Dans le petit village de Yaoudé, non loin de Guiglo, elle a travaillé pendant plus de quinze ans avec son défunt mari sur leur plantation. Mais à son décès, la veuve a été spoliée par sa belle-famille. Elle a profité d’une séance de sensibilisation menée par l’AFPF pour plaider sa cause. « J’ai perdu mon mari en 2017, raconte la cinquantenaire. Sa famille m’a pris tout l’héritage. Je vivais comme ça, je me débrouillais pour manger avec mes enfants. Quand ils sont venus à Yaoudé, j’ai plaidé mon cas, et puis j’ai retrouvé ma part. Deux hectares d’hévéa en production. Donc ça va maintenant. »

Pour résoudre les conflits fonciers liés au genre, les acteurs du projet recourent d’abord à la médiation, avant de se tourner vers la justice. « Dans le village, tout le monde a reconnu que la femme a aidé son défunt mari à créer une plantation d’environ cinq hectares, explique le directeur de la clinique juridique de Guiglo, N’Guettia Kossonou, qui a suivi le dossier. Du fait qu’elle ait participé, il y a un mécanisme juridique qu’on appelle la société de fait. Il faut, sur cette base, procéder à la médiation, négocier avec ses beaux-frères pour qu’on lui concède quelque chose pour qu’elle puisse vivre. »

Le problème n’est pas tant la loi, mais son application. Traditionnellement, les femmes sont souvent exclues du jeu de la gouvernance foncière et donc totalement dépendantes des hommes de leur famille. « Au nom du rôle reproductif de la femme, de prise en charge alimentaire, on va lui accorder un lopin de terre dans sa famille d’accueil, affirme Ghislain Coulibaly, le sociologue du projet. Mais attention, la dame a accès à la terre, mais juste pour faire du piment ! Juste pour faire du maraîchage ! Les femmes sont exclues d’un accès en quantité [à la terre], d’un accès en qualité, et elles n’ont pas la possibilité de transmettre ce bien. »

Pour y remédier, l’AFPF a mis en place plusieurs stratégies. Sensibiliser, d’abord, les autorités coutumières en rappelant que la loi ivoirienne donne un droit égal à la terre pour les hommes et les femmes. Convaincre ensuite les habitants de partager les terres entre tous leurs enfants, fils comme filles, pour éviter les conflits de succession. Et pousser, aussi, les couples unis par des rites coutumiers à se marier en préfecture, pour protéger les droits de la femme veuve ou divorcée.

L’AFPF est un projet pilote, entamé l’an dernier et qui doit s’achever en 2024. Mais les résultats sont concluants et font espérer un déploiement national dans les prochaines années.

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