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Cameroun: pour les ouvriers de Nachtigal, le salaire n'est pas à la hauteur du travail accompli [2/3]

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Cette centrale de Nachtigal a vocation à couvrir 30% des besoins en électricité du Cameroun, où les coupures de courant restent monnaie courante. Les travaux de construction ont démarré en 2019. Au pic du chantier, ils ont mobilisé jusqu'à 4 000 travailleurs. Beaucoup plus si l'on compte l'ensemble des personnes ayant foulé le sol de Nachtigal. Mais sur le chantier, les ouvriers sont partagés, entre fierté d'avoir bâti un tel ouvrage et amertume. Beaucoup estiment que la rémunération n'est pas à la hauteur du travail accompli. Ils dénoncent aussi des inégalités salariales avec les étrangers présents sur le chantier.

Un ouvrier sur le chantier de Nachtigal, au Cameroun
Un ouvrier sur le chantier de Nachtigal, au Cameroun © Clémentine Pawlotsky / RFI
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De notre envoyée spéciale à Nachtigal,

« On n'est pas très bien traités. Moi, je ne suis pas très bien traité. J'aurais espéré être traité mieux. C'était là ma douleur. »Le terme est fort, mais assumé. « Oui, c'est fort, puisque tu te tues à la tâche. Tu fais tout pour qu'on puisse te payer comme il se doit. Mais on ne le fait pas. Si tu demandes à être augmenté, on va te dire "non, le budget est serré". Mais bizarrement, on recrute des expatriés qui coûtent un peu plus cher. Ça, ça me révolte. »

Eba Engolo Judicael est assistant administratif sur le chantier. Il répertorie quotidiennement la production de béton, pour un peu mois de 250 000 francs CFA par mois. « Bon, on éprouve quand même du plaisir à travailler sur un gros chantier comme celui-ci. Je n'avais jamais vu ça. Moi la première fois quand je suis arrivé, je regardais tout avec des grands yeux. La beauté, c'est le seul truc qui me console. La beauté de travailler dans un tel projet. Mais j'aurais aimé avoir un peu plus de sous. »

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« Tu donnes tout ton corps. Le soleil te frappe »

À quelques mètres de là, des ferrailleurs font une pause. Les journées sur le chantier sont longues. Souvent difficiles. Deux d'entre eux acceptent de témoigner, anonymement. Ils gagnent respectivement 100 000 et 50 000 francs CFA par mois. 

« Ce n'était pas facile. Ça n'a pas été évident », explique l'un. « Il faut déjà se lever tôt, à 4 heures, 4h30 pour s'apprêter, emprunter le bus vers 5 heures, 5h30 pour être tôt au chantier. Mais l'activité en vrai démarre à 7 heures, parce qu'il faut d'abord prendre un petit casse-croûte puis se changer. Vous démarrez, on vous donne le plan de travail de la journée. Parfois, le repos n'était pas évident. Vous aviez l'impression que même la journée du dimanche qu'on vous accordait comme repos, ce n'était pas suffisant. Mais il fallait tenir parce que le délai était là. Il fallait le respecter, il fallait livrer à temps. »

Le second témoigne : « Par exemple, tu [travailles] un mois, mais on ne te paye pas le mois. On attend. On te donne 50 000. Tu ne t'attends pas à ça. Tu donnes tout ton corps. Le soleil te frappe. Tu rentres à 22 heures, 23 heures. À la fin du mois, on t'envoie 50 000, ce n'est pas normal. Entre-temps, tu as une famille à la maison que tu dois nourrir, tu dois t'habiller, tu dois, tu dois, tu dois… C'est comme ça. »

À Nachtigal, la plupart des ouvriers camerounais ont choisi de s'installer dans les villages alentours. Les étrangers, quant à eux, vivent sur une base située à proximité du chantier, sécurisé par près de 120 militaires.

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