Afrique économie

Nigeria: à Kaiama, l'effondrement des prix du karité confirme l'exception nigériane

Publié le :

Alors que dans les autres gros pays producteurs les prix s'envolent, le karité perd actuellement son attraction commerciale au Nigeria, pourtant premier pays producteur mondial alors qu'il exploite moins de 40 % de son potentiel. Contrairement à ses voisins ouest-africains, le Nigeria exporte une faible proportion de sa production. Seuls les acteurs artisanaux sont présents sur ce marché, très majoritairement féminin, et la demande n’est pas suffisamment forte pour soutenir les prix. Une situation qui pourrait décourager les acteurs de la filière pour la prochaine campagne l'an prochain et avoir un impact sur l’industrie de transformation, principalement située dans le sud-ouest du pays.

Des graines de karité.
Des graines de karité. © John images / Getty Images
Publicité

De notre envoyé spécial de retour de Kaiama,

Impossible pour Rasheeda de quitter son village de Kaiama, dans l'État de Kwara. Depuis une dizaine d'années, cette trentenaire produit du beurre karité dans un espace collectif. Rasheeda travaille pour elle-même. Ici, elle peut cuire puis piler ses amandes de karité.

« Si vous avez un peu d'amandes de karité maintenant, vous pouvez réussir à produire du beurre de karité et si vous êtes patiente, cela peut vous rapporter beaucoup d'argent. Si vous produisez avec deux seaux d'amandes de karité, quand les prix sont bons, vous pouvez réaliser un bénéfice pour acheter quatre autres seaux d'amandes de karité. »

Le prix actuel de vente des amandes de karité n'est pas satisfaisant pour Rasheeda, car équivalent à 0,18 euro le kilo dans son village, et un centime de plus seulement sur le marché de Kaiama. Rasheeda préfère donc transformer en beurre de karité une toute petite partie de son stock, attendant la hausse des prix des amandes.

Parmi les clients de Rasheeda, Akabi Iyabo est une négociante indépendante : « Pour l’instant, un sac vaut l'équivalent de 95 euros. Il contient du beurre de karité mis directement à la fin de sa préparation. J'achèterai, disons, jusqu'à 50 à 60 sacs. Vous savez, avant la dévaluation du naira, c'était vraiment intéressant d'acheter 50 sacs. Maintenant, les prix ont augmenté pour nous ».

Un bénéfice d'environ 15 000 euros annuels

La vente du beurre de karité, pour Rasheeda c'est de l'argent frais pour investir dans des céréales qu'elle achète ici à Kaiama. En spéculant sur le prix de ces céréales, Rasheeda peut ainsi acheter des amandes de karité dans des villages voisins isolés, car sans voie d'accès, puis revendre ces amandes lorsque le prix est haut, notamment à des représentants de grosses entreprises industrielles.

« J'achèterai des céréales comme du millet et du maïs grâce aux bénéfices de mes ventes de beurre de karité et je les stockerai. Si la noix de karité arrive à maturité, j’achèterai alors de nouvelles noix, je commencerai à la transformer et en stockerai certaines. C'est comme ça que je fais mes affaires. »

Et pour toutes ces transactions, Rasheeda n'emprunte jamais auprès des rares établissements de microfinance présents à Kaiama. À demi-mot, elle reconnaît que ses bénéfices dépassent l'équivalent de 15 000 euros en moyenne chaque année. Une belle somme comparée au 1 934 euros de revenu brut annuel par habitant au Nigeria, selon la Banque mondiale en 2022.

À lire aussiKarité: une campagne portée par la hausse des prix du cacao

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes