Sécurité alimentaire: la stratégie agricole de l'Éthiopie face au défi climatique
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Ces dernières années, l'Éthiopie a investi massivement dans son secteur agricole, via divers programmes dédiés. Son but est d'assurer la sécurité alimentaire de ses 130 millions d’habitants. Mais à l'aune du changement climatique qui bouleverse le pays, la stratégie des autorités est-elle adaptée ?

D'après le Programme alimentaire mondial, en 2024, plus de 10 millions de personnes en Éthiopie étaient en situation d'insécurité alimentaire. Ces dernières années pourtant, le pays a multiplié les investissements dans le secteur agricole, pour augmenter la production et garantir à tous l'accès à l'alimentation. Degefie Tebebe, chercheur au sein du Centre international d'agriculture tropicale (CIAT), explique :
« Les groupements de fermes sont un système récemment utilisé par le gouvernement pour étendre et mieux commercialiser les produits agricoles. Ce système permet de regrouper les fermiers et leurs terres, afin de conjuguer leurs pratiques et d'accéder aux crédits. C'est une façon de passer de l'agriculture de subsistance à une agriculture commerciale. »
L'élevage peu adapté au changement climatique
Autre programme défendu par les autorités, le projet « Yelemat Tirufat », soit « Le généreux panier » en français. Lancé en 2022, son objectif est d'accroître la production dans le secteur de l'élevage. Et avec 10 milliards de litres de lait produits en 2023, soit le double de l'année précédente, le programme est un succès pour les autorités. Mais selon Ivica Petrikova, chercheuse au Royal Holloway de l'université de Londres, cette stratégie est loin d'être idéale :
« L'initiative, qui promeut plus de ressources animales, cela peut être bien en termes de nutrition, alors que le taux de malnutrition en Éthiopie est très élevé. Mais cela n'est pas très adapté au changement climatique. Encourager l'élevage bovin notamment n'est pas vraiment durable, car le bétail n'est pas résistant face à la chaleur et à la sécheresse. »
Le pari du blé dans les régions désertiques
Depuis 2019 aussi, l'État consacre des millions de birrs au développement du blé. Avec sept millions et demi de tonnes récoltées pour la saison 2023-2024 selon la Banque africaine de développement, l'Éthiopie en est aujourd'hui le plus grand producteur d'Afrique subsaharienne. Mais là encore, alors que les températures augmentent, cette politique pose question.
Jérémy Denieulle, chercheur en géopolitique spécialisé dans les céréales, souligne que « les investissements sont vraiment localisés dans la région Somali, à l'extrême-est du pays, une région plus plate, désertique, où on peut faire du blé sous irrigation en utilisant la nappe phréatique. L'objectif, c'est de créer des grandes exploitations de blé dans cette région-là. Mais ce n'est vraiment pas durable comme solution, surtout dans une perspective de réchauffement du climat ». Aujourd'hui, en Éthiopie, seul 5% du blé est produit via l'irrigation.
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