Shan’L rugit et règle ses comptes avec le morceau piquant «Mytho»
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L’Afro-Club fait rimer diversité et nostalgie : Shan’L, Silverstone Barz et Bibianna apportent la fraîcheur, pendant que MC Solaar rappelle l’âge d’or du rap français.

Bibianna infuse l’amour et la passion dans son « Café »
Avec « Café », Bibianna nous offre une gorgée d’amour doux-amer, servie sur une composition minimaliste guitare-voix. Autodidacte et passionnée, elle a commencé la musique à 17 ans avant de partir étudier le droit à l’Université du Colorado à Denver, où elle a affiné sa vision du monde et développé un son hybride qu’elle appelle sa « fusion tropicale », un mélange élégant d’afrobeats, de r'n'b et de rythmes malgaches comme le Mozika Mafana. Dans son single « Café », pièce maîtresse de son album éponyme sorti en 2025, Bibianna utilise la boisson la plus universelle du monde comme une métaphore brillante de l’amour moderne : chaud, excitant, mais dangereux si l’on en abuse. « Le café te réveille, t’énergise, te rend dépendant… comme une histoire d’amour qui devient obsessionnelle », dit-elle en riant dans une interview. Musicalement, le morceau est irrésistible : un afrobeats solaire et sensuel, porté par des percussions malgaches et une voix veloutée qui balance entre douceur et intensité, reflétant parfaitement l’effet euphorisant de la passion. L’idée du titre lui serait venue lors d’un hiver glacial à Denver : alors qu’elle sirotait un cappuccino, elle s’est dit « Ce café me fait le même effet que mon ex ! », le genre d’illumination qui transforme une émotion intime en tube international.
Silverstone Barz prouve que le vrai luxe, c'est le travail dans « Work »
La rappeuse kényane Silverstone Barz, est en train de redéfinir le visage du hip-hop d’Afrique de l’Est avec son flow aussi tranchant qu’un katana. Dans son single « Work », Silverstone Barz signe un manifeste de la persévérance : un titre qui prône la discipline, la concentration et le refus de se laisser distraire par les jugements. Ici, « Work » ne signifie pas seulement « travailler », mais avancer coûte que coûte dans un environnement dans lequel peu de femmes ont pu s’imposer. Elle y répète, avec un ton incisif et des punchlines acérées, que son succès ne vient pas du hasard, mais du travail acharné. À ses débuts, faute de moyens et de soutien, Silverstone Barz a construit son propre studio dans sa chambre à Nairobi, bricolant son matériel avec des planches, des oreillers et un micro d’occasion pour enregistrer ses premiers freestyles. C’est dans ce mini studio fait-maison qu’elle a peaufiné ses premières rimes, prouvant qu’elle pouvait être rappeuse, ingénieure du son et productrice à la fois.
Entre vengeance et victoire, Shan’L rugit avec ironie sur « Mytho »
Avec « Mytho », Shan’L alias la Kinda, prouve une fois encore qu’elle est bien plus qu’une chanteuse : c’est une stratège du verbe, une guerrière du cœur et une reine de la scène. Elle a su transformer ses blessures en art, passant des chorales de Libreville à la reconnaissance continentale, avec des titres audacieux comme « Tchizambengue », où elle osait déjà bousculer les tabous autour de l’amour et des relations. Son nouveau single « Mytho », s’inscrit dans cette lignée de chansons où la féminité se mêle à la revanche. Ici, Shan’L s’adresse à un homme menteur, prétentieux et mythomane, le genre d'individu qu’on retrouve souvent sur les réseaux sociaux, gonflé d’ego, mais vide de loyauté. Le morceau, dansant et piquant à souhait, mêle humour et ironie : « Je suis la reine des mythos, bébé, je maîtrise la chose » lance-t-elle, comme pour dire « Tu veux jouer ? J’ai inventé les règles ! ». Cette chanson fait écho à un épisode de sa vie réelle, le mariage médiatisé de son ex-compagnon et père de son fils, qui avait fait grand bruit. Plutôt que d’alimenter la polémique, Shan’L a préféré répondre en musique, sur un ton à la fois vengeur et jubilatoire.
La séquence rétro du jeudi : « Solaar pleure » de MC Solaar
Avec « Solaar pleure », le rappeur-poète MC Solaar livre l’un des morceaux les plus puissants et spirituels de sa carrière, un titre sous lequel le verbe devient prière et où le rap touche au sacré. Né Claude M’Barali à Dakar de parents tchadiens, élevé en banlieue parisienne, Solaar est le pont vivant entre l’Afrique et la France, entre la sagesse des griots et la poésie urbaine. Dans cette chanson tirée de son album culte Cinquième As (2001), il imagine sa propre mort, non pas pour susciter la pitié, mais pour dresser un testament moral et philosophique. « J’ai été mercenaire plutôt que missionnaire », confesse-t-il, avant d’élever son message vers un idéal de rédemption et d’unité humaine. Là où d’autres glorifient la rue, Solaar la transcende : il y parle des sans-papiers, des smicards, des oubliés, tout en convoquant un panthéon spirituel métissé (la Bible, le Coran, la main de Fatma, le Rabin, le Prêtre et l’Imam) dans une même quête de paix universelle. Ce fils du Tchad, nourri aux philosophies africaines et aux vers français, a réussi à fusionner les spiritualités dans un couplet de rap. Le titre, au-delà de son jeu de mots avec le saule pleureur, est un chant d’espoir déguisé en élégie, une méditation sur la mort qui célèbre paradoxalement la vie et la conscience. Avec son ton grave, sa production soul et ses chœurs quasi liturgiques, « Solaar pleure » ressemble à une messe poétique célébrée dans une cathédrale hip-hop. Plus de vingt ans plus tard, il reste un chef-d’œuvre intemporel.
Afro-Club
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