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Pêche post-Brexit: le bras de fer continue

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Derrière les sourires cordiaux et les accolades à l'arrivée d'Emmanuel Macron à Glasgow pour la COP26, le bras de fer se poursuit entre le président français et le Premier ministre britannique Boris Johnson. Paris et Londres n’ont toujours pas éteint l'incendie qui couve autour du dossier des droits de pêches post-Brexit. Les discussions doivent se poursuivre au moins jusqu'à jeudi. La France a annoncé dans la soirée qu'elle ne prendrait finalement pas de sanction avant.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson et le président français Emmanuel Macron, le 31 octobre 2021, pendant le forum du G20, à Rome.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson et le président français Emmanuel Macron, le 31 octobre 2021, pendant le forum du G20, à Rome. © REUTERS - GUGLIELMO MANGIAPANE
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Les mesures de rétorsion de la France devaient entrer en vigueur dès ce mardi 2 novembre. Mais des négociations sont en cours et David Frost, le secrétaire d'État britannique chargé du Brexit, est attendu jeudi à Paris.

Les navires britanniques peuvent donc débarquer normalement leurs poissons et autres coquillages ou crustacés dans les ports français. Le pourront-ils encore en fin de semaine ? C’est toute la question. Parmi les sanctions brandies par Paris, figure l'interdiction pour ces bateaux de pêche de mener leur marchandise dans six ports français, ceux où ils avaient leurs habitudes. Autre mesure de représailles envisagée : un renforcement des contrôles douaniers des camions

Le renforcement des contrôles sur les bateaux du Royaume-Uni semble lui avoir déjà commencé, même si les autorités hexagonales assurent qu'il s'agissait de vérifications habituelles en cette saison. Deux navires britanniques ont été verbalisés le jour où l'ultimatum a été lancé. L’un d’eux a été dérouté vers Le Havre où il était toujours à quai lundi. Il est accusé d’avoir pêché plus de deux tonnes de coquilles Saint-Jacques sans licence.

Avec ces menaces désormais suspendues, la France espère obtenir davantage de licences de pêche

L’accord post-Brexit prévoit que les Européens puissent continuer à jeter leurs filets dans certaines eaux britanniques, à condition de prouver qu'ils y pêchaient déjà avant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Seulement, la France et le Royaume-Uni ne s’entendent pas sur la nature et l’ampleur des documents à fournir et Paris réclame encore près de 200 licences.

Londres a déjà octroyé bon nombre de licences, mais les chiffres varient d’une source à l’autre. Londres assure que 98% des requêtes européennes ont été approuvées – seulement 90%, selon le calcul français – et un peu plus de la moitié des permis auxquels les pêcheurs français pouvaient prétendre. Car selon Annick Girardin, la ministre de la Mer, à quelques exceptions près, seuls des Français n'auraient pas encore obtenu leurs licences.

Avec un impact économique variable. À Boulogne-sur-Mer, l’un d’eux parle de 50% de pertes d’exploitation, d’autres, en Normandie, évoquent 10 à 25% de perte de chiffre d'affaires.

Quelles conséquences pourraient avoir les mesures que menace de prendre Paris ? Selon l’Union du mareyage français, les mareyeurs, qui préparent et vendent les produits de la mer frais, en 2020, le secteur a acheté 3 000 tonnes de produits directement débarqués par des bateaux britanniques dans les ports français. Et il en importe dix fois plus par camions. Cela aurait donc un impact pour les pêcheurs concernés et les mareyeurs français. Ces derniers mettent en garde contre une limitation des exportations de poissons britanniques vers le marché unique, une solution qui serait à leurs yeux « simpliste et néfaste ».

Côté britannique, Barrie Deas, de la fédération représentant les pêcheurs britanniques, souligne dans une interview à la BBC qu’il y a beaucoup plus de Français dans les mers du Royaume-Uni que d’Anglais ou d’Écossais dans les ports français. Mais avec la chute des exportations post-Brexit et l’effet Covid-19 sur les ventes de poissons, cette polémique reste une menace de plus.

Économique ou politique ?

De l'autre côté de la Manche, si le comité des Hauts-de-France des pêches maritimes considère que montrer les crocs était la seule solution, il s’inquiète d’un possible retour de manivelle. Londres menace de mener des contrôles plus rigoureux en mer. Londres n'exclut pas non plus de demander des « mesures compensatoires » via le mécanisme de règlement des différends prévu par l'accord commercial post-Brexit.

Mais au fond, ce litige n’est peut-être pas qu’économique. Londres et Paris s’accusent mutuellement de se servir du dossier à des fins politiques. Le gouvernement britannique estime qu’Emmanuel Macron instrumentalise ce sujet épineux en vue de la présidentielle d’avril prochain. De la même manière, certains diplomates européens considèrent que Boris Johnson réagit avec fermeté pour flatter les partisans du Brexit.

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