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Face à la Russie, l'Allemagne dégaine finalement l'arme «Nord Stream 2»

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Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ripostent contre la Russie. Les Vingt-Sept ont approuvé une série de sanctions à l’unanimité comme le gel d’avoirs et l’interdiction de visas pour certaines personnalités politiques russes. Mais la mesure de représailles la plus forte, c'est bien-sûr la suspension du projet de gazoduc Nord Stream 2 annoncée par le chancelier allemand Olaf Scholz hier mardi 22 février. Un projet aussi controversé que longtemps défendu par l'Allemagne...

Le projet de pipeline Nord Stream 2 a été suspendu, a annoncé le chancelier allemand Olaf Scholz, le 22 février.
Le projet de pipeline Nord Stream 2 a été suspendu, a annoncé le chancelier allemand Olaf Scholz, le 22 février. REUTERS/Maxim Shemetov
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Les gouvernements allemands successifs ont été les infatigables promoteurs de ce projet d'envergure chapeauté par le géant gazier russe Gazprom. Il est destiné à doubler les capacités du gazoduc sous-marin existant Nord stream 1. Ce qui au total, devrait combler entièrement la demande allemande en gaz avec 110 milliards de m3 annuels transitant par Nord Stream 1 et 2. 

L'Allemagne, où la moitié des foyers se chauffent au gaz et dont l'industrie a augmenté sa dépendance en cet hydrocarbure, est le premier client du gaz russe.

Une dépendance croissante qui a longtemps justifié le soutien au projet en Allemagne

L'Allemagne se démarque de ses principaux voisins à cet égard. Au fil des ans, sa dépendance a augmenté de plus de 15% en 10 ans. La moitié de sa demande énergétique est satisfaite par la Russie aujourd'hui. Cette relation énergétique spéciale était entretenue par des personnalités politiques allemandes comme Gerhard Schroder, l'ancien chancelier social démocrate devenu une figure dirigeante du géant gazier russe Gazprom entre autres.

Voilà pourquoi au fil des crises diplomatiques avec la Russie, l'Allemagne a eu beaucoup de mal à remettre en cause Nord Stream 2. À en faire une arme contre la Russie. Quand bien même les oppositions ne manquaient pas. Entre les écologistes allemands et de nombreux pays européens dont la Pologne et les pays Baltes qui considèrent le gazoduc comme un outil d'influence du Kremlin...

Justement, quelles seront les conséquences pour l'Allemagne après cette décision historique ?

Pour l'instant, cette décision est surtout symbolique. Le projet est terminé depuis septembre dernier. Mais il n'a pas encore obtenu les certifications nécessaires pour commencer à opérer ni au niveau européen ni en Allemagne. Berlin aurait dû l'octroyer le mois prochain. C'est ce processus qu'Olaf Scholz a suspendu. Le projet n'est pas encore lancé donc les conséquences sur l'approvisionnement en gaz de l'Allemagne sont nulles.

En revanche, les entreprises européennes engagées dans le projet ont de quoi faire grise mine. Elles sont cinq à avoir investi aux côtés de Gazprom plus de 10 milliards d'euros. Dont les Allemandes Wintershell et Uniper, mais aussi l'énergéticien français Engie.

L'Allemagne a-t-elle des alternatives au gaz russe ?

Même si beaucoup dépendra de l'ampleur du conflit qui menace, les livraisons actuelles ne sont pas menacées. C'est ce qu'ont dit les dirigeants gaziers russes à Doha cette semaine, mais les autres pays exportateurs de gaz ont répété qu'ils ne pouvaient pas augmenter rapidement leurs capacités en cas de pénuries.

Les États-Unis, en revanche, qui ont toujours milité contre Nord Stream 2 s'affichent plus que jamais en producteur alternatif. Ils applaudissent aujourd'hui la décision allemande. D'autant plus que Berlin a en parallèle promis de développer ses infrastructures pour accueillir le gaz naturel liquéfiée made in USA. Même si cette perspective est encore lointaine, l'essentiel pour Washington et l'ensemble des opposants à Nord Stream 2 est atteint, le projet est gelé.

► EN BREF

Washington, encore, demande au Canada de renoncer à son projet de taxe sur les géants du numérique

Un projet qualifié de mesure unilatérale alors que les pays de l'OCDE ont entériné un accord-cadre pour mettre en place un système international de taxation en octobre dernier. Le Canada serait inspiré de s'engager dans sa mise en œuvre plutôt que de faire cavalier seul. Voilà en substance le message de l'administration américaine qui s'inquiète en réalité pour les conséquences sur ses géants nationaux du numérique au cas où le Canada imposait ses propres taxes. Auquel cas, le Trésor américain précise qu'il « examinera toutes les options », dont l'imposer de nouvelles taxes douanières contre son voisin.

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