Aujourd'hui l'économie

Chypre doit apprendre à vivre sans la présence russe

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À Chypre, la haute saison touristique démarre avec un gros point d'interrogation sur la présence des visiteurs russes. Sous la contrainte des sanctions européennes, l’île doit revoir son modèle économique jusqu’alors très orienté vers Moscou.

Sur l'île de Chypre, un touriste sur quatre est originaire de Russie.
Sur l'île de Chypre, un touriste sur quatre est originaire de Russie. © AP/Petros Karadjias
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Sur cette île de la Méditerranée très fréquentée pour son ensoleillement et ses plages, un touriste sur quatre est originaire de Russie. Ces vacanciers sont très appréciés dans ce pays majoritairement orthodoxe, situé au sud de la Grèce. Ils ont un portefeuille bien garni et ils ne regardent pas à la dépense. Mais depuis que les vols russes ont été exclus de l’espace aérien chypriote comme dans toute l'Union européenne, les réservations de cette fidèle clientèle se sont effondrées. En temps ordinaire, elle génère environ un cinquième des revenus du tourisme. Le secteur bancaire chypriote est l’autre grand perdant des sanctions européennes anti-russes.

Cela fait plusieurs décennies que les deux pays cultivent une relation privilégiée, notamment sur le plan financier

Une convention fiscale évitant la double imposition entre eux a longtemps favorisé la circulation des capitaux. Il était très lucratif pour les Russes de créer une société à Chypre et de réinvestir les bénéfices chez eux. Dans les années 1990, le petit paradis fiscal est devenu brièvement le premier investisseur étranger en Russie. Depuis, le gouvernement chypriote a pris d'autres initiatives pour attirer les oligarques. Avec, entre autres, le passeport doré conférant la nationalité chypriote pour les gros investissements immobiliers.

► À écouter aussi : Un nouveau gazoduc en Méditerranée?

Pour les grandes fortunes russes, Chypre est devenue la porte d’entrée dans l’Union européenne. Une plate-forme peu regardante sur les activités plus ou moins licites, comme le commerce des armes ou les paris. En cas de difficulté économique, Moscou fournit son aide. C'est le cas en 2011 quand l'île est contaminée par la crise de la dette grecque.

C’est à partir de cette crise que Nicosie commence à devenir plus sélective avec ses investisseurs

Sous la pression de Bruxelles, qui demande plus de rigueur en contrepartie de son aide. D’autres événements poussent Chypre à durcir les conditions accommodantes réservées aux capitaux russes. En 2018, les États-Unis accentuent la chasse à l’argent sale en provenance de Russie. Deux ans plus tard, le régime des visas dorés est supprimé, à la suite du scandale des passeports achetés à des fonctionnaires corrompus.

Dans la foulée, beaucoup de visas sont remis en cause, c’est le cas par exemple pour celui du magnat de l’aluminium Oleg Deripaska. Vladimir Poutine, lui aussi, se lasse, il met fin à la convention fiscale entre les deux pays. Malgré cette reprise en main, l’empreinte russe demeure forte. En 2020, le quart des investissements étrangers réalisés à Chypre, soit 100 milliards d’euros, était encore originaire de ce pays.

La guerre en Ukraine scelle-t-elle la « dérussification » de l’économie chypriote ?

Dans les jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, la banque russe VTB cède sa filiale chypriote à des ressortissants de l’île. Les dépôts russes, qui culminaient à 21 milliards d’euros en 2013, sont tombés en février dernier à 6,5 milliards d’euros. Il y a bien une accélération. Nicosie a adopté toutes les sanctions. Dans son combat contre l’ennemi turc, qui occupe le nord de l’île depuis 1974, l’allié européen compte plus que l’ami russe. Pas question pour autant de changer de fond en comble de modèle.

Les services et le tourisme constituent 80% de son PIB ; Chypre ne remettra pas en cause ces activités, mais elle cherche à se défaire de cette image de pays peu regardant avec les investisseurs russes pour attirer une nouvelle clientèle. Pourquoi pas ukrainienne ? Des sociétés implantées en Ukraine, et en Russie, notamment dans la tech, ont déjà délocalisé leurs bureaux dans ce pays européen réputé pour la facilité des procédures bureaucratiques et la faible imposition des sociétés. Pour le moment, les habitants russes de Limassol, soit le quart de la population du port rebaptisé « Limassolgrad », n’envisagent pas encore de déménager.

► EN BREF

Le président américain s'apprête à lever momentanément les droits de douane sur les panneaux solaires importés d'Asie du Sud-Est.

Cette dérogation vise à soulager le déficit actuel de l'approvisionnement américain. Cette décision intervient alors qu'une enquête est en cours pour déterminer si les importations de panneaux solaires en provenance du Cambodge, de la Malaisie, de la Thaïlande et du Vietnam contournent les droits de douane sur les produits fabriqués en Chine. Une enquête qui pénalise les projets dans les énergies renouvelables.

© RFI

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