La crise au Sri Lanka va-t-elle gagner d’autres pays vulnérables ?

Au Sri Lanka, le président a promis de démissionner ce week-end sur fond de grave crise économique et sociale. D’autres pays émergents vont-ils connaître un sort comparable dans les prochains mois ?

Des manifestants anti-gouvernementaux prennent d'assaut la résidence du président sri-lankais, le 9 juillet 2022. REUTERS - DINUKA LIYANAWATTE

Le Sri Lanka a été le premier pays à faire défaut cette année, au mois d’avril. Depuis, les experts les plus alarmistes mettent en garde contre les risques de faillite en cascade. Selon l’économiste en chef de la Banque mondiale, Carmen Reinhart, cette perspective ne relève plus de l’hypothèse, c’est déjà une réalité. Pour tenter d’éviter le défaut et pour trouver de l'argent frais, plusieurs pays ont fait appel au FMI. C’est le cas du Ghana, de la Tunisie, du Pakistan, trois des pays les plus à risque identifiés par l’agence Bloomberg. Le Salvador et l’Égypte complètent cette liste des plus vulnérables. L’agence d’information économique estime que dix-neuf pays sont aujourd’hui au bord de l'effondrement. Leur nombre a doublé en six mois. Cela concerne 900 millions de personnes.

Ces pays partagent-ils des traits communs avec le Sri Lanka ?

Ce sont les coupures de courant à répétition qui ont plongé l’archipel de l’océan Indien dans une crise profonde. Les racines du mal sont d’abord liées à la pandémie qui a provoqué la chute des recettes touristiques. Et à la mauvaise gouvernance du clan au pouvoir. Mais c’est bien le contexte économique mondial actuel qui a accéléré la descente aux enfers. L'inflation, aujourd'hui à 50%, a fait grimper la facture énergétique. Faute de réserves de change suffisantes, le Sri Lanka s’est retrouvé dans l’incapacité d’importer suffisamment de pétrole pour faire tourner les centrales électriques et dans l'impossibilité de rembourser sa dette. L'impact du Covid, le poids de la dette et cette difficulté à importer les matières premières essentielles faute de devises, c'est un schéma qu’on retrouve plus ou moins dans les autres pays cités.

Faut-il craindre un effet domino comme il y a eu par le passé en Asie ou en Amérique latine ?

La situation actuelle est en partie comparable à la crise de la dette qui a laminé l’Amérique latine dans les années 1980. Comme aujourd’hui, la Réserve fédérale avait brusquement relevé ses taux d’intérêt pour combattre l’inflation, ce qui avait fragilisé ces pays émergents. Le Mexique fait alors défaut, entraînant dans sa chute les autres pays de la région. Mais depuis, les pays en développement ont fait un bond de géant. Il y a certes aujourd’hui des maillons faibles, mais les grands émergents, de l’Inde au Brésil en passant par le Mexique ou la Thaïlande, sont actuellement beaucoup plus résilients. Ils ont des réserves de change confortables et une balance des paiements beaucoup plus équilibrée qu'il y a quarante ans.

Depuis le début de l'année, les capitaux refluent en masse des pays émergents

Cinquante milliards de dollars seraient sortis de ces pays depuis le début de l'année, un reflux historique, du jamais vu depuis dix-sept ans. Mais dans les pays les plus solides, on voit aussi que les investisseurs locaux ont parfois pris le relais à la Bourse, qu'ils sont devenus les premiers investisseurs, c’est le cas notamment en Thaïlande ou au Mexique. La crise actuelle reste concentrée dans les pays les plus fragiles, où le pouvoir politique est faible et contesté. Elle n'est pas de nature à se propager au reste du monde. En revanche, elle sera sévère pour les populations concernées, menacées par la crise alimentaire et sociale. Elles pourraient endurer des difficultés comparables à celles qu'éprouvent les habitants en état d’hyper inflation chronique comme le Zimbabwe, le Soudan, le Liban, la Syrie ou le Venezuela, des pays où l'inflation a largement dépassé les 100%, voire les 200%.