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La nouvelle géographie de l’aide internationale

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Quinze jours après le double séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie, l’aide internationale d’urgence continue d’affluer. Avec une forte mobilisation, entre autres, des pays arabo musulmans.

Les gens font la queue pour prendre un repas dans un camp à la suite d'un tremblement de terre meurtrier à Antakya, en Turquie, le 19 février 2023.
Les gens font la queue pour prendre un repas dans un camp à la suite d'un tremblement de terre meurtrier à Antakya, en Turquie, le 19 février 2023. REUTERS - MAXIM SHEMETOV
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Cet élan a été massif et immédiat. Les dons proviennent aussi bien des pays du Golfe que du Pakistan, d’Algérie, des territoires palestiniens et même d’Afghanistan, l’un des pays les plus déshérités au monde. Les gouvernements sont en première ligne. Parfois doublés par des collectes populaires. En Arabie saoudite, une campagne en ligne a réuni cent millions de dollars en quelques jours. Les réfugiés rohingyas qui ont fui leur pays pour échapper au génocide manifestent eux aussi leur solidarité avec des dons en liquide et en nature.

Dans la gestion de cette catastrophe, l'Europe des 27 apparaît encore parmi le premier pourvoyeur d'aide en moyen humain et financier. Mais si on fait une comparaison pays par pays, les Occidentaux, et les Européens en particulier, ne sont plus les seuls capables d’intervenir rapidement sur le terrain et de financer ces opérations dans les situations de catastrophes. Les pays émergents ont maintenant la puissance financière et la volonté de devenir des acteurs de premier plan de l’humanitaire.

Les montants engagés par ces pays sont souvent colossaux

Les Émirats arabes unis ont été parmi les plus rapides à sortir le carnet de chèques en promettant 100 millions de dollars d’aide d’urgence dès le lendemain du double tremblement de terre. Soit plus que le montant initial de 85 millions de dollars annoncés par Washington. Depuis, des dizaines d’avions-cargos émiriens acheminent des équipements, en Turquie comme en Syrie. Les États-Unis, il est vrai, ne sont pas en reste : Antony Blinken a annoncé hier de Turquie le quasi doublement de leur aide. L’Algérie a promis aussi une aide substantielle de 45 millions de dollars. À titre de comparaison, l’aide française est quatre fois moins importante selon les chiffres fournis par le ministère des Affaires étrangères. L’Arabie saoudite s’implique fortement en Turquie mais aussi en Syrie, alors que les relations avec Damas sont rompues depuis dix ans.

L’aide internationale distribuée en Turquie et en Syrie doit aussi composer avec la réalité géopolitique ?

Elle pourrait même redessiner les contours de relations figées par les conflits. C’est particulièrement vrai pour la Syrie. Les États-Unis ont accepté de lever les sanctions pour trois mois, le temps que l’aide circule. Vendredi à la Conférence sur la sécurité de Munich, le ministre saoudien des Affaires étrangères s’est prononcé en faveur d’un dialogue avec le régime de Bachar el-Assad, mis à l’index par de nombreux pays arabes. En intervenant vite et massivement dans ces deux pays voisins et proches de l’Iran, les pays du Golfe cherchent à normaliser leurs relations avec Damas, dans l'espoir aussi de reprendre la main dans une zone sous la forte influence, voire la dépendance de Téhéran.

Comment réagissent la Turquie et la Syrie à la générosité de ceux qu’ils considéraient jusqu'alors comme leurs ennemis ?

Pour le président turc, l’exercice est périlleux. Recep Tayyip Erdogan a volontiers joué la fibre nationaliste contre la Grèce, Israël, l’Arménie ou la Suède et la Finlande, nouveaux candidats à l'Otan. Autant de pays qui ont été prompts à fournir une aide directe aux rescapés. Des gestes concrets et efficaces louées par la population turque. Difficile de se passer d’une aide vitale pour l’urgence comme pour la reconstruction. Pour Bachar el-Assad, cantonné jusqu'alors à un dialogue avec ses alliés russes et iraniens, cette soudaine ouverture est une opportunité qu'il saisit avidement. Mais contrairement au président turc, il a décliné l'aide proposée par le voisin israélien.

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