Aujourd'hui l'économie

Toujours pas d’armes suisses pour l’Ukraine

Publié le :

Au nom du principe de neutralité, Berne refuse que ses canons vendus à des pays amis soient réexpédiés en Ukraine. Le sujet divise le pays et met à rude épreuve l’industrie suisse de l’armement. La Chambre haute de la Confédération helvétique doit en débattre à partir de ce lundi 6 mars.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son homologue suisse Ignazio Cassis, à Kiev, le 20 octobre 2022.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son homologue suisse Ignazio Cassis, à Kiev, le 20 octobre 2022. © AP/Efrem Lukatsky
Publicité

Berne a ouvert ses frontières aux réfugiés ukrainiens, a approuvé les sanctions contre la Russie, mais le gouvernement suisse refuse toujours d’autoriser les réexportations des armes fabriquées sur son territoire vers l’Ukraine. Même si elles ont été vendues il y a parfois plus de 20 ans. Cette position irrite de plus en plus les Européens. La toute puissante Allemagne menace de changer de fournisseur.

L’Allemagne, qui est le premier importateur d’armes suisses, a été traitée comme le Danemark ou l’Espagne. Le pays s’est vu opposé une fin de non-recevoir à sa demande de réexporter en Ukraine les canons suisses qui équipent ses chars Leopard 2 destinés à Kiev. Contractuellement, les acheteurs d’armes d’armes suisses s'engagent, à la signature, à ne pas les livrer à des pays tiers.

La loi suisse sur le matériel de guerre est un des dispositifs les plus stricts au monde

C'est cependant un dispositif assez courant dans le commerce des armes. L'Allemagne, par exemple, qui s’offusque aujourd’hui de la rigidité des voisins suisses, s’est longtemps fait tirer l’oreille pour autoriser la Pologne à fournir des chars à l’Ukraine. Et le dispositif suisse, est, il faut le dire, plus ou moins bien appliqué.

 À lire aussi : Conférence de Munich: livraisons d'armes à l'Ukraine, de l'incantation aux actes?

L’Arabie saoudite a utilisé les fusils d’assaut suisses pour sa guerre au Yémen, d'après une enquête de médias suisses, ce qui est contraire à la loi sur le matériel de guerre. Les autorités helvètes se sont retranchées derrière le droit, expliquant que le contrat passé était antérieur au conflit et aux derniers amendements de la fameuse loi sur le matériel de guerre.

Peut-on conjuguer la neutralité avec le développement d’une industrie de la défense ?

La Suisse a choisi d'avoir une armée pour défendre son territoire. Et pour l’équiper, elle compte sur ses propres forces, sa production locale et ses inventions comme le fameux pistolet Sig Sauer. C’est un poids plume en termes de PIB : 1% du PIB de la Confédération, 0,2% des exportations. Mais c’est un instrument de souveraineté indispensable pour la défense du pays, avec des retombées essentielles pour le reste de l’industrie.

Beaucoup de concepts mis au point par des sociétés d’armement sont repris dans le civil. La Suisse a ainsi exporté au Qatar son système de défense antiaérienne pour protéger les stades pendant la Coupe du monde. Sans l’export, cette industrie n’est pas viable car la demande interne est bien trop faible pour assurer sa rentabilité. Elle exporte environ la moitié de sa production, surtout en Europe.

Le débat au Parlement peut-il changer la donne ?

La Chambre haute veut assouplir le dispositif, la chambre basse veut une loi spécialement dédiée à l'Ukraine, et l'exécutif ne veut rien changer. On voit mal comment un accord pourrait émerger de cette cacophonie. Peut-être une fois que la guerre russe en Ukraine sera terminée, persifflent les commentateurs sur les rives du Léman. Cette guerre n’a pas fini de bousculer le modèle suisse.

La saisie des fonds russes déposés à l'étranger, et donc en partie en Suisse, pour financer la reconstruction de l’Ukraine est un autre sujet de crispation entre Berne et Bruxelles. Se conformer à cette saisie suggérée par la Pologne remettrait en cause le secret bancaire, la pierre angulaire du juteux secteur de la finance. Et cette fois, il s'agit de l'un des moteurs de l'économie. Le secteur pèse non pas 1% mais 10% du PIB et fournit 5% des emplois.

 À écouter aussi : La guerre en Ukraine était au cœur du Forum économique de Davos

Point de la situation en Ukraine, le 6 mars 2023.
Point de la situation en Ukraine, le 6 mars 2023. © Studio graphique FMM

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes