Le sauvetage du Credit Suisse a ramené le calme sur les marchés financiers. Mais cette nouvelle crise bancaire entache le modèle du coffre-fort de l'Europe. La réputation des banques suisses est aujourd'hui sur la sellette.
Cela fait plusieurs mois déjà que le Credit Suisse souffrait de cette perte de confiance. Ses gros clients institutionnels ont commencé à retirer leur argent bien avant que la crise n'éclate. Sans doute effrayés par les problèmes en cascade que les dirigeants de la banque ont été incapables de surmonter. Il y a eu des problèmes de gouvernance, de sombres histoires d’espionnage entre dirigeants sous la direction de Tidiane Thiam, puis une exposition imprudente à Greensill, une société en faillite en 2021, des accusations de blanchiment de fraude fiscale. Et enfin une recapitalisation pour rien en décembre : les quatre milliards de dollars apportés par les actionnaires sont partis en fumée dans la déroute de ces derniers jours. Une banque qui connait une telle série noire et qui pousse la planète entière au bord d’une nouvelle crise financière a de quoi faire douter sur sa solidité structurelle.
Surtout quand l’addition est aussi salée
D’abord pour ses actionnaires. Dans la tourmente, le premier d’entre eux, la Saudi National Bank, a perdu un milliard de francs suisses, soit l'équivalent en euros. Le fonds d’investissement du Qatar et le fonds souverain norvégien, d’autres actionnaires de premier plan, ont aussi encaissé des lourdes pertes. Pour les investisseurs qui détenaient des obligations dites subordonnées, c’est-à-dire des actifs à haut risque, c’est bien pire : ils ont tout perdu, soit au total 16 milliards d'euros. Une perte sèche entérinée par les sauveurs de la banque, très critiquée dans le milieu de la finance. L’efficacité, la robustesse et la fiabilité, toutes les qualités appréciées des banques suisses, ont singulièrement fait défaut au Credit Suisse et aux pompiers chargés d'éteindre l'incendie.
Des qualités qui aimantent les fortunes du monde entier depuis plus de deux siècles
En garantissant la plus grande discrétion sur la gestion des avoirs, grâce au légendaire secret bancaire, et la sécurité absolue des placements, les banques suisses sont devenues au fil du temps le premier havre mondial des ultra riches. Dans les coffres du pays dorment des rivières de diamants, de l'or en barre, et bien sûr des montagnes de cash gérés par les banques. Les actifs du secteur bancaire représentent l’équivalent de six fois le produit intérieur brut du pays. Un ratio disproportionné par rapport à la taille de l’économie. Non sans risque. Les capitaux étrangers étant par nature mobiles, ils pourraient très vite se volatiliser si les fameuses garanties que les banques suisses offraient jusqu’à maintenant étaient durablement remises en cause.
Ce n'est pas la première fois qu'une banque systémique suisse est en péril
UBS le numéro un du secteur qui vient de reprendre le Crédit Suisse a été renfloué par l’État au moment de la crise de 2008. Deux banques systémiques en détresse en moins de 15 ans dans un seul pays, cela fait beaucoup : 2008 marque le début des ennuis pour la place financière suisse. La fin du secret bancaire, son atout historique, en 2018, porte un nouveau coup aux banques helvètes. Cette normalisation va considérablement réduire les marges dans la gestion de fortune. Cette activité reste fort lucrative. UBS en est le numéro un mondial. Sa fusion avec le Credit Suisse va donc déboucher sur un mastodonte sans concurrents locaux. Une anomalie au pays de la concurrence tempérée. Un « monstre » selon un quotidien zürichois, qui a peut-être évité une débâcle financière mondiale, il est trop tôt pour le dire. En revanche, on voit bien que ce sauvetage au forceps confirme le déclin du fameux modèle suisse.
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