Les entreprises sont-elles responsables de l’inflation ?
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Les superprofits dégagées par les grandes entreprises attisent l’inflation. C’est ce qu’affirment des économistes de la Banque centrale européenne mais aussi les partisans de la France Insoumise. Une vision très controversée.
Le débat a commencé aux Etats-Unis il y a environ un an. Les commentateurs américains ont très vite pointé du doigt la « greedflation ». L’inflation engendrée par les acteurs trop « greedy », trop gourmands, en l’occurrence des entreprises. Les entreprises opportunistes qui augmentent leurs prix bien au-delà de l’envolée de leurs coûts, exacerbent ainsi la hausse générale des prix. On parle en économie de la boucle prix-profit. En France c’est seulement vers la fin de l’année 2022 que cette thèse a émergé, quand les poids lourds du CAC 40 ont commencé à publier leurs résultats, affichant des marges records. C’est le cas notamment de TotalEnergies ou encore du champion du fret CMA CGM.
Des profits mirobolants en décalage avec le déclin du pouvoir d’achat perçu par les ménages.
Ces profits atteignant parfois des sommets inédits surprennent en période d'inflation. Lors de la précédente flambée historique des prix, consécutive au choc pétrolier des années 70, ce sont les entreprises qui ont le plus trinqué. Les salaires sont alors indexés sur l'inflation, c'est pourquoi elles voient tous leurs coûts grimper et par conséquent, leurs marges s’effondrer. Cinquante ans plus tard, l’indexation a disparu et ce sont les salariés qui souffrent les premiers. L'inflation a été déclenchée par la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l'énergie mais elle a bien été en partie entretenue par les entreprises démontrent plusieurs études économiques, on parle d'inflation de vendeurs.
Le gouverneur de la Banque de France estime lui qu'il n’y a pas eu de greedflation en France.
Dans un courrier publié lundi, François Villeroy de Galhau constate que les marges des entreprises françaises ont baissé. On est passé de 34% en 2021 à 32% en 2022. D'après lui, les entreprises ne sont donc pas responsables de l'inflation, avec une réserve de sa part: il faut rester vigilant dit-il. Car ce chiffre moyen masque des différences de taille. Le secteur de l'agro-alimentaire a retrouvé des marges qu’il n’avait pas connu depuis vingt ans. Il y a donc bien eu parmi les entreprises françaises, des perdantes et des gagnantes de l’inflation. Cette inflation par les profits est le fait des entreprises qui ont une réelle emprise sur le marché parce que leur production est quasiment en pénurie. C’est le cas par exemple de TotalEnergies sur le marché des carburants français. Cela se confirme pour les entreprises qui ont un pouvoir de marché, comme les géants de l’agro-alimentaire capables d’imposer leurs prix à la grande distribution. Ces grands groupes ont saisi l’opportunité de reconstituer leurs marges. L’inflation a eu bon dos. On parle volontiers d’« excuse-flation ».
Est-ce que ce phénomène va durer ?
Il y a un moyen très simple d’y mettre fin : c’est de taxer les super profits. C’est d’ailleurs le conseil donné dès l’automne dernier par Philip Lane, l’économiste en chef de la Banque centrale européenne. C'est lui aussi qui a publié récemment l’étude démontrant qu’au niveau européen les entreprises ont une part de responsabilité dans l'inflation. Sinon ce sont les consommateurs et les salariés qui peuvent renverser la vapeur. Quand l'offre est hors de prix, la demande s'effrite, les profiteurs vont devoir revoir leurs prix. Ensuite les consommateurs qui sont aussi des salariés vont demander des augmentations pour retrouver du pouvoir d'achat. C’est déjà le cas en Allemagne, en France cette hausse des salaires va se faire sentir au second semestre selon la banque de France, elle fera baisser les marges des entreprises sans attiser l'inflation. C'est alors que les prix pourraient commencer à se calmer, c'est ce que prévoit le président Macron.
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