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L’activisme politique des actionnaires bouscule les entreprises

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Les activistes politiques s’invitent de plus en plus souvent dans la gouvernance des grandes entreprises en intervenant dans les assemblées générales des sociétés cotées en bourse, sur des questions polémiques, comme le climat ou le droit à l'avortement.

Des militants pour le climat bloquent l'accès à la salle Pleyel où est prévue une assemblée des actionnaires du géant français de l'énergie TotalEnergies à Paris le 25 mai 2022.
Des militants pour le climat bloquent l'accès à la salle Pleyel où est prévue une assemblée des actionnaires du géant français de l'énergie TotalEnergies à Paris le 25 mai 2022. AFP - BERTRAND GUAY
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En Europe ce sont les militants de l’urgence climatique qui tiennent le haut du pavé. Hier à Londres ils ont perturbé l’assemblée du pétrolier Shell. Ils seront aussi présents vendredi à Paris à celle de TotalEnergies. Ces manifestations très médiatisées ne sont que la partie émergée de leurs interventions. En devenant propriétaire d'une partie de l'entreprise, ces militants actionnaires peuvent déposer des résolutions soumises au vote lors des assemblées générales. Dans les assemblées du printemps on voit que cette pratique est en train d'exploser. Avec le climat, l’égalité des genres et les hauts salaires des patrons sont les sujets les plus fréquemment abordés en Europe.

Aux États-Unis, la question de l'avortement est devenue cette année une préoccupation majeure des activistes

Une trentaine d'entreprises font l'objet de résolutions portant sur l'avortement dans leur AG 2023. Un record absolu. La question divise la société américaine depuis que la Cour suprême a aboli le droit à l’avortement au niveau fédéral en juin 2022. Dans la foulée beaucoup de grandes entreprises se sont engagées à faciliter les démarches de leurs employées femmes ne pouvant pas avoir recours à l’IVG dans leur État de résidence. Une politique qui hérisse les ultra-conservateurs. Ils se sont donc engouffrés dans l'actionnariat activiste pour chercher à remettre en cause ces positions de fait favorables à l'IVG. Les progressistes trouvent au contraire que certaines entreprises n’en font pas assez pour protéger ce droit des femmes. Change Finance, actionnaire engagé dans la promotion de la RSE, la responsabilité sociétale des entreprises, a posé des résolutions en ce sens à l'assemblée d'American Express et d'autres sociétés cotées en leur demandant de protéger la confidentialité des femmes. Car dans les États où l'IVG est interdite, les entreprises peuvent être pour transmettre les données des transactions de leurs clientes susceptibles d'avoir outrepassé l'interdiction. 

Les entreprises américaines doivent aussi rendre des comptes sur les questions de la diversité ou du port d’armes

Mastercard est dans le viseur des pro armes. Là encore pour avoir accepté de transmettre les informations sur les achats d’armes comme l’exige la loi américaine. Les activistes conservateurs estiment en général que les entreprises doivent faire preuve de plus de neutralité sur ces sujets. Leurs attaques portent aussi sur la politique climatique des sociétés, ils s'interrogent sur la faisabilité des efforts de décarbonation entrepris. Avec leurs résolutions, ils espèrent, selon un de leurs représentants, « ramener les entreprises à la raison ».

Est-ce que ça marche ?

Aux États-Unis en 2022, seulement 12% des résolutions relevant de la responsabilité sociétale des entreprises ont été approuvés. À ce jour, la plupart des résolutions concernant l'IVG déposées en 2023 ont été rejetées. Mais les activistes ne se découragent pas. C’est un combat de longue haleine qu’ils portent au sein de l’entreprise. Du point de vue de l'entreprise, cette irruption de questions politiques est d’abord une contrainte. Elle doit travailler sur la résolution, consacrer donc du temps et de l’argent à un sujet qu’elle considère souvent comme sans rapport avec son activité et ses profits. C'est pourquoi elle essaie de rejeter ces résolutions, mais aux États-Unis, la SEC, le gendarme de la bourse, les oblige souvent à faire marche arrière et à les inscrire à l'ordre du jour. Les questions urgentes pas toujours traitées par les pouvoirs publics ou avec des réponses qui ne satisfont pas les citoyens sont en train de ressurgir au cœur de la vie des grandes entreprises.

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