Aujourd'hui l'économie

Pourquoi les «plans banlieues» sont-ils inopérants face aux flambées de violence?

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L’embrasement de banlieues françaises à la suite de la mort du jeune Nahel, abattu par un policier, s’inscrit aussi dans une réalité économique récurrente : malgré quatre décennies de politique de la ville, ces quartiers populaires sont toujours des concentrés de misère urbaine.

En 2003, Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville, porte le programme national pour la rénovation urbaine (image d'illustration). Les multiples «plans banlieue» déployés depuis quarante ans n’ont pas permis de résorber les fractures.
En 2003, Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville, porte le programme national pour la rénovation urbaine (image d'illustration). Les multiples «plans banlieue» déployés depuis quarante ans n’ont pas permis de résorber les fractures. AFP/Lionel Bonaventure
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Environ 8% de la population française, soit cinq millions de personnes, habite les quartiers dits périphériques. Ce sont des quartiers devenus prioritaires de la politique de la ville, qu’on identifie surtout par leur niveau élevé de pauvreté. Le revenu disponible médian est de 14 000 euros par an en banlieue, contre 22 000 euros au niveau national.

Plus de la moitié des enfants, six sur dix, sont confrontés à la grande pauvreté, alors que la moyenne nationale est plutôt de deux enfants sur dix dans cette situation de détresse. Ces inégalités criantes se confirment dans les chiffres du chômage ou dans ceux du RSA, l'allocation attribuée à ceux dépourvus d'autres sources de revenus.

Plans banlieues

Les multiples « plans banlieue » déployés depuis quarante ans par les gouvernements successifs n’ont pas permis de résorber ces fractures. L’argent injecté a servi à rendre ces quartiers plus vivables, en construisant des routes, des transports en commun, des équipements sportifs ou culturels, en améliorant surtout le logement. Quarante-huit milliards d’euros ont été investis dans la politique de la ville depuis 2003, date de création de l’Agence nationale de rénovation urbaine imaginée par Jean-Louis Borloo, le ministre de la Ville de l’époque, pour améliorer la mixité sociale. Quarante-huit milliards, c'est beaucoup, mais chacun a constaté que dans l’urgence, l’État est capable de mobiliser des ressources beaucoup plus importantes. Quarante-cinq milliards d’euros, c’est par exemple le budget voté en 2023 pour couvrir les frais du bouclier tarifaire qui a permis aux Français de supporter l’envolée des prix de l’énergie. 

Un plan Marshall des banlieues ?

Le mot est souvent lancé mais ne rencontre que peu d’écho concret. Le méga-plan concocté par le même Jean-Louis Borloo en 2017, à la demande du président, a été finalement mis de côté par l'Élysée. Pendant ce temps, l’agence poursuit son travail de rénovation, les maires attendent d'en savoir plus sur le plan quartier 2030. Car l'investissement a été utile, tous les maires en témoignent, mais les problèmes socio-économiques n’ont pas disparu pour autant, ils se sont parfois amplifiés.

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D’abord, pour des raisons conjoncturelles : le Covid-19, puis l’inflation ont aggravé la paupérisation. Ensuite, pour des raisons structurelles : les habitants des banlieues ont, eux aussi, des stratégies pour s’en échapper. Dès que leur pouvoir d’achat s’améliore, ils tendent à quitter ces zones défavorisées pour s’installer dans des villes plus attirantes, plus sûres. Ils laissent alors la place à de nouveaux arrivants souvent en piètre situation financière. L'explosion de la violence qui a souvent mis en lumière ces quartiers délaissés a baissé en fréquence, mais pas en intensité, comme on a pu le voir ces derniers jours.

La rénovation urbaine ne résout pas tout ?

Pour améliorer la mixité sociale, il serait sans doute plus efficace d’agir sur tout le territoire, et non dans les seuls quartiers défavorisés. En construisant plus de logements sociaux ans les beaux quartiers, comme la loi le prévoit, et en facilitant l’accès à la propriété dans ces quartiers déshérités pour attirer et fixer une population plus argentée.

Le traitement socio-économique du malaise des banlieues peut réduire les inégalités face au logement, modifier la géographie de l'exclusion, mais il ne peut pas tout. Il ne peut pas pallier les carences de l'école, il ne peut pas non plus éradiquer la discrimination que ressentent les habitants de ces quartiers, plus souvent qu’ailleurs issus de l’immigration.

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