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Série d’été – Les sans-papiers [4/5]: la quête d'un titre de séjour d'Ana, architecte mexicaine

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Nouveau volet de notre série consacrée aux travailleurs sans papiers avec ce jour un petit aperçu du casse-tête que peut représenter la quête d'un titre de séjour permettant de travailler, y compris pour des emplois qualifiés. Une jeune Mexicaine installée à Paris témoigne.

L'obtention d'un titre de séjour est une procédure de longue haleine.
L'obtention d'un titre de séjour est une procédure de longue haleine. © Flickr / Creative Commons
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« Je m’appelle Ana et je suis architecte. J’ai fait mes études à Mexico et ensuite un master en Italie, à Milan. De là, j’ai trouvé un stage dans une petite agence d’architecture à Paris. Cela a été relativement facile parce qu’à ce moment-là, j’avais un visa étudiant délivré par l’Italie et cela me permettait de faire un stage. »

Ana trouve ensuite un stage dans une autre agence, avec au bout une embauche. Le début d’un parcours administratif cahoteux. Son employeur a dû déposer une demande d’autorisation de travail d'un étranger. Une étape pas insurmontable, nous explique Me Judith Bertin, avocate spécialiste du droit des étrangers : « Ça fait peur aux employeurs, il y en a beaucoup qui refusent de le faire parce que ça leur paraît vraiment insurmontable. Mais en soi, techniquement, ce n'est pas si compliqué que ça. » Ce qui peut poser problème, « c'est que parfois ça prend du temps », ajoute l'avocat'.

Plusieurs mois dans le cas d’Ana : « Cette démarche peut être simple ou compliquée en fonction de la personne qui s’en occupe. Je ne sais pas quels sont les critères, comment ils traitent l’information pour dire oui ou non. Parce que la première fois que mon entreprise l’a fait, ils ont donné l’autorisation très rapidement. Mais j’avais un contrat court, et donc quand il a été renouvelé, il a fallu recommencer. Et cette fois, ils m’ont demandé beaucoup plus de documents. Ils ont fini par me donner l’autorisation, mais cela a duré presque quatre mois ».

En parallèle, Ana doit solliciter un visa : « J’étais en France mais on ne peut pas faire ça ici, il faut le faire dans un consulat français à l'étranger. Pour que ce soit plus facile et moins cher, je l’ai fait en Italie plutôt que de rentrer au Mexique. À un moment, le consulat ne m'a pas donné le visa car mon contrat était très court. J’ai dû revenir en France et demander un contrat plus long ».

La quête du titre de séjour

Elle finit par obtenir le Graal… enfin presque. « Après presque deux ans en France, j’ai obtenu un visa de travail il y a à peine trois mois. C’est une inscription sur mon passeport qui dure seulement quatre mois. » Reste à le convertir en titre de séjour. Penchée sur le site internet de la préfecture, la Parisienne de cœur met du temps à l'apprivoiser.

« Voyons voir, là il y a un lien pour prendre un rendez-vous mais il m’est arrivé plusieurs fois que mon numéro de visa ne soit pas reconnu. J’ai dû appeler la préfecture, mais parfois ils ne répondent pas, parfois ils ne me comprennent pas et vice versa… Il m’est arrivé plusieurs fois qu’ils s’impatientent et raccrochent. C’est très difficile de parler à quelqu’un à la préfecture. »

Et un titre de séjour délivré par un autre pays de l’Union européenne n’est pas de grand secours, détaille Me Judith Bertin : « Ça complique les choses, parce que sauf un certain type de titre de séjour européen, avoir un titre de séjour délivré dans un pays de l'Union européenne ne vous permet pas de vous installer en France. Par exemple, un titre de séjour étudiant en Espagne, ça va être compliqué de le convertir en France. Ce n'est pas impossible, mais normalement ce n'est pas prévu ».

Des démarches longues et impactantes

De ce périple administratif, l’architecte mexicaine retient quelques moments de joie à l’obtention de son visa… et beaucoup de doutes : « Il y a eu des moments où j’ai pensé que c’était impossible. Parfois, je me demande si je veux affronter toute cette procédure qui est compliquée et lourde émotionnellement. Cela a été stressant, il y a beaucoup d’incertitudes. Il y a des moments où l’on dort mal à force de penser à ça, donc j’ai pensé quelques fois à renoncer et rentrer dans mon pays. Mais à chaque fois que je l'envisage, ils finissent par me donner mon visa… »

Ana souhaiterait un CDI pour ne pas avoir à relancer des démarches trop souvent. Un travail de Sisyphe qui, estime-t-elle, a un impact sur sa vie professionnelle.

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