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Pourquoi le gouvernement français refuse le retour de l'impôt sur la fortune

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Alors que 8 Français sur 10 réclament davantage de justice fiscale, le Premier ministre Sébastien Lecornu a confirmé qu’il n’y aurait pas de rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Une décision saluée par le patronat mais vivement critiquée par l’opposition.

Le nouveau Premier ministre français, Sébastien Lecornu, à la fin de la cérémonie de passation de pouvoir à l'hôtel Matignon à Paris, le 10 septembre 2025.
Le nouveau Premier ministre français, Sébastien Lecornu, à la fin de la cérémonie de passation de pouvoir à l'hôtel Matignon à Paris, le 10 septembre 2025. © LUDOVIC MARIN/Pool via REUTERS
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L’ISF, créé pour taxer les patrimoines supérieurs à 1,3 million d’euros, était calculé sur le patrimoine net: biens immobiliers, valeurs mobilières, liquidités, bijoux… moins certaines dettes. Plus le patrimoine était élevé, plus le taux progressif d’imposition augmentait. En 2017, cet impôt a été remplacé par l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, beaucoup plus restreint dans son assiette puisqu’il ne concerne que le patrimoine immobilier.

Le gouvernement de l’époque justifiait ce choix par la volonté de favoriser l’investissement productif et d’attirer les capitaux en France, plutôt que de les voir s’exiler. Depuis, le Medef n’a cessé de défendre cette réforme, voyant dans l’ISF une « ligne rouge » à ne pas franchir. Pour l’organisation patronale, rétablir cet impôt serait synonyme de fuite des fortunes et de frein à la croissance.

Un symbole fort de justice fiscale

Dans les faits, l’ISF concernait à peine 1 % des Français. Mais au-delà de son rendement, relativement limité, il représentait un symbole puissant de justice fiscale et de redistribution. Sa suppression, selon plusieurs rapports parlementaires et études économiques, a permis aux contribuables les plus riches d’économiser plus de dix milliards d’euros en moins de dix ans. Or, malgré cet allègement fiscal, les effets sur l’investissement productif se sont révélés faibles, voire quasi inexistants.

Pour une grande partie de l’opinion publique, l’ISF était donc perçu comme un outil permettant de faire contribuer davantage ceux qui possèdent le plus. Sa disparition a accentué le sentiment d’injustice sociale, particulièrement dans un contexte où les inégalités restent très marquées. C’est ce décalage entre perception symbolique et arguments économiques qui alimente encore aujourd’hui la polémique autour de l’ISF.

Une équation politique délicate pour le gouvernement

En annonçant qu’il n’y aurait pas de retour de l’ISF dans le budget 2026, Sébastien Lecornu a envoyé un signal clair au monde patronal. Le Premier ministre cherche ainsi à préserver la confiance des investisseurs et à éviter de braquer les grandes fortunes. Mais cette position n’est pas sans risque. Les syndicats de salariés, mobilisés dès le début du mois d’octobre, réclament davantage de justice fiscale et une meilleure redistribution des richesses. Dans le même temps, les organisations patronales prévoient leurs propres mobilisations contre d’autres mesures économiques.

L’exécutif évolue donc sur une ligne de crête: il doit composer avec la pression du patronat tout en tentant de calmer la colère sociale. Le danger pour le gouvernement serait de voir ces deux mécontentements converger. Car, lorsque chefs d’entreprises et salariés se retrouvent côte à côte dans la rue, c’est l’ensemble du pays qui entre en crise.

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