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Série d’été – Le monde part à vélo [1/5]: en Chine, le vélo pour échapper à la pression du travail

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En Chine, les amateurs de vélo sont toujours plus nombreux. Notamment chez les jeunes urbains de la tech qui roulent pour échapper à la pression du boulot. Rencontre avec l’un de ces passionnés au micro de Stéphane Lagarde et Louise May à Pékin.

Comme de nombreux jeunes urbains travaillant dans l'internet et le big data, pédaler est un moyen d'échapper à la pression du boulot. An Bing, 29 ans, a un objectif : pédaler sur les volcans de la province chinoise de Mongolie Intérieure.
Comme de nombreux jeunes urbains travaillant dans l'internet et le big data, pédaler est un moyen d'échapper à la pression du boulot. An Bing, 29 ans, a un objectif : pédaler sur les volcans de la province chinoise de Mongolie Intérieure. © Stéphane Lagarde / RFI
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« Je passe 99 % de mon temps devant un ordinateur. De 9h à 21h pour ce qui me concerne et certains de mes amis travaillent tous les jours jusqu’à minuit. Donc pour nous, le vélo permet de faire retomber la pression (...) Je m'appelle An Bing et je fais partie des cyclistes amateurs à Pékin. »

Faire retomber le stress, échapper aux cadences infernales du « 996 », 9h à 21h, six jours par semaine, que connaissent encore de nombreux employées de la tech et du big data en Chine. Pour cette nouvelle génération de jeunes urbains fondus de vélo, rouler est un exécutoire du week-end mais aussi un moyen de redécouvrir la campagne autour des villes. Quand nous avons croisé An Bing, il revenait la veille d’une sortie vers la mer et le port de Tianjin, à l’est de la capitale chinoise.

« Il y a 150 km entre Pékin et Tianjin. C’est du plat, mais le problème en ce moment ce sont les températures. Hier, la municipalité de Tianjin a lancé une alerte rouge au thermomètre. On a dépassé les 40 degrés. Sur la route, la moitié de mes amis ont attrapé une insolation. Au départ, on était une bonne vingtaine. Au final, nous étions 12 à l’arrivée, les autres ont dû abandonner. »

Malgré les remèdes de la médecine traditionnelle contre le soleil emmenés sous la selle, certains ont dû prendre la voiture ou le TGV pour rentrer, en démontant leurs engins.

« On ne peut pas emmener les vélos dans les transports sans les démonter en Chine. J’ai commencé tout petit à faire du vélo pour aller et rentrer de l’école. Puis une fois que j’ai eu mon diplôme à l’université, je suis entré dans les clubs amateurs. Pour l’instant, j’ai fait surtout des courses dans la province du Hebei autour de Pékin, et jusque dans le Liaoning dans le nord, mais mon objectif maintenant, c’est d’aller voir les volcans dans la province de Mongolie intérieure. »

Chine, dans un magasin de Pékin, le vendeur montre comment démonter son (mini)vélo.
Chine, dans un magasin de Pékin, le vendeur montre comment démonter son (mini)vélo. Associated Press - GREG BAKER

Une échappatoire au monde du travail

Pédaler sur les volcans de la province chinoise de Mongolie intérieure, ce qui changerait du littoral chinois et notamment de l’île de Qinghuandao où s’est rendu récemment notre presque trentenaire. Pékin, c’est Amsterdam, ce serait alors l’occasion de s’attaquer à des paysages plus vallonnés pour ce passionné de géologie, avec des souvenirs à partager sur les réseaux. An Bing est l’un des leaders du groupe « Les cyclistes de Pékin » sur le moteur de recherche Baidu.

« Entre coureurs, nous échangeons des contacts et des plans vélo sur WeChat, Sina Weibo et QQ. Sur mon téléphone j’ai 1,2,3... à peu près 20 groupes de coureurs amateurs. Et ce n’est là qu’un groupe de taille moyenne. WeChat limite la taille des groupes à 500 personnes. Je connais par exemple un groupe amateur qui a plus de sept groupes WeChat et compte donc plus de 2000 abonnés. »

Largement de quoi refaire des pelotons entiers pour ces légions de fans de vélo qui se retrouvent en fonction des quartiers, des districts et même inter-provinces. Avec des excursions parfois organisées par le bureau des Sports de la municipalité de Pékin selon les objectifs : excursions découvertes, courses... Des groupes aussi en fonction des secteurs d’activités.

« On a parmi nous des employés de bureau et des étudiants. Personnellement, je suis programmateur pour une grande compagnie chinoise internet. J’ai pas mal d’amis cyclistes dans le traitement de données, dans les secteurs du graphisme et du marketing aussi. Des médecins, des avocats. On peut sortir uniquement le week-end et notre principale motivation c’est un : relâcher le stress. Je travaille 10h par jour et je passe mon temps devant un écran. Et puis deux : c’est une façon de faire du sport et de s’entretenir. »

Une discipline boostée par le Covid

Longtemps utilisé pour le transport en Chine, le vélo est redevenu un sport et un passe-temps boosté par la pandémie et les restrictions dites « zéro Covid » qui ont fermé les stades, les gymnases et les salles de sport pendant trois ans.

« Depuis 2021, en grande partie en raison du Covid, de nombreuses personnes ont été contraintes de se remettre au vélo. Mais depuis que les mesures sanitaires ont été levées, beaucoup de gens n’ont pas souhaité reprendre les transports en commun. Donc il y a de plus en plus de cyclistes. Dans mon entreprise par exemple, la moitié de mes collègues viennent au travail en vélo. Les hommes préfèrent les VTT, les femmes les vélos pliables. »

Chacun son vélo, il y a en tous cas un marché pour le vélo haut de gamme en Chine. An Bing en a trois, dont un à plus de 1000 euros pour les courses et la montagne. Des « bébés », comme il les appelle, qu’ils emmène jusque dans le café où nous avons conversé.

« Pourquoi j’emmène mon vélo avec moi ? Parce que j’ai beaucoup d’amis qui ont garé leur bicyclette juste le temps d’aller aux toilettes ou pour acheter une bouteille d’eau. Et quand ils sont sortis, leur vélo avait disparu. Il faut donc toujours garder un œil dessus. »

Une nouvelle passion pour le vélo en Chine, qui selon l’association chinoise de cyclisme réunit aujourd’hui plus de 20 millions de pratiquants.

Pékin: le nombre des vélos partagés est désormais limité à 800 000, ce qui n'empêche pas ici de bloquer le passage piétons.
Pékin: le nombre des vélos partagés est désormais limité à 800 000, ce qui n'empêche pas ici de bloquer le passage piétons. © Stéphane Lagarde/RFI
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