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Série d’été - La pollution textile [2/5] : l’envers de la fast-fashion dans les usines du Pakistan

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Le Pakistan est au dixième rang des exportateurs mondiaux d'habillement derrière la Chine, l'Inde, la Malaisie et l'Indonésie. C'est le septième fournisseur des États-Unis et le cinquième de l'Union européenne en textile et habillement. C'est également un gros producteur mondial de coton, la production de la matière étant même considérée comme la colonne vertébrale de l’économie du pays. De nombreuses marques occidentales sous-traitent au Pakistan. Si la tragédie du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 a eu un impact sur la législation dans le secteur du textile, le Pakistan a aussi connu ses propres drames.

Les ouvriers, notamment ceux de l'industrie textile, sont les premières victimes de la crise économique qui touche le Pakistan. (Image d'illustration)
Les ouvriers, notamment ceux de l'industrie textile, sont les premières victimes de la crise économique qui touche le Pakistan. (Image d'illustration) Nadia Bletry / RFI
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Avec notre envoyée spéciale à Faisalabad,

11 Septembre 2012, les images de l’usine textile Ali Enterprises à Karachi défilent sur toutes les chaines d’infos du pays. Ce jour-là, près de 300 ouvriers périssent, pris au piège dans les flammes d’un incendie qui s’est déclenché dans les locaux de l’usine qui avait pour client principal une chaîne allemande de vêtements.

Les normes de sécurité n’étaient pas respectées. Des normes auxquelles l’usine textile Khawaja Cotton Industries à Faisalabad, le hub du textile au Pakistan, est très attentive. Plus de 350 personnes travaillent dans cette usine qui produit pour plusieurs marques de vêtements américaines et européennes telles que Zara, Bershka, Pull and bear et Oysho… Des marques qui exigent des certificats qui garantissent que les employés travaillent dans des conditions dignes et dans des environnements sécurisés.

Mohammad Shoaib Ijaz est directeur de la conformité : « L’usine est aménagée pour permettre une évacuation facile des employés en cas d’urgence. Les machines sont sécurisées et les salaires sont indexés sur le minimum salarial légal comme le prévoit le droit du travail. Ce sont les normes sociales respectées dans notre usine. »

« Je devais rester debout toute la journée »

Dans l’usine, les rangées d’ouvriers attelés à leur machine à coudre sont séparées les unes des autres par des couloirs d’un mètre de largeur marquée au sol par des lignes jaunes et rouges indiquant les deux sorties de secours. Des extincteurs sont à disposition. Ici, chaque ouvrier perçoit au minimum 25 000 roupies pakistanaises, soit 78 euros, pour 15 jours de travail, le minimum salarial au Pakistan.

Zubair travaille ici depuis 9 ans. « Ici, je travaille assis sur un tabouret. Dans l’usine où je travaillais avant, je devais rester debout toute la journée. Ici, les machines que l’on utilise sont sécurisées, nous avons des kits de premiers secours : si l’un de nous est blessé on est tout de suite pris en charge. Dans mon ancien travail, ce n’était pas comme ça », raconte-t-il.

Dans l’usine textile SZK Pakistan, aucune sortie de secours dans les ateliers. La chaleur est étouffante, les ventilateurs au plafond ne suffisent pas à faire rafraichir l’air suffocant et humide en cette journée où le thermostat affiche 36 degrés à 13h.

Durant la visite de RFI, le patron pointe du doigt l’un des employés assis à sa table de travail. « Là, c’est la pause déjeuner. Et cet ouvrier est assis à son poste de travail. Il ne va pas à la cantine où ailleurs mais il est à son poste. »

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Hashim Naweed le regrette mais son entreprise n’a pas les moyens d’offrir de meilleures conditions de travail à ses employés. S’il ne travaille pas pour des marques connues, il produit tout de même pour des marques occidentales : « J’exporte au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pour l’Angleterre, je confectionne pour la marque SNP Casuals, Obary et Twisted soul. Ce sont des marques accessibles. »

Les réglementions sociales et sécuritaires sont exigées le plus souvent par les marques au succès international soucieuse de leur image, confie Hashim Naweed. Les marques moins connues et moins chères ont rarement ces considérations, dit-il. En quittant son usine, on croise une centaine de travailleurs de plusieurs usines textiles produisant pour le marché local qui manifestent, ils réclament le minimum salarial légal, que leur patron refuse d’appliquer.

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