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Série d’été - La pollution textile [3/5] : la surconsommation des articles textiles

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Suite de notre série sur l'envers de la fast fashion. Après les champs de coton en Inde et les manufactures au Pakistan, zoom sur nos placards et sur la commercialisation des articles textiles. Le secteur s'est emballé ces dernières décennies.  La production de fibre textile a presque doublé en 20 ans. Elle est passée, selon l’Agence européenne de l’environnement, de 58 millions de tonnes en 2000 à 109 millions de tonnes en 2020. Pourquoi une telle accélération ? Que répond le secteur aux critiques faites à la surconsommation ?  

Ouvrières dans une usine de textile à Phnom Penh. (Illustration)
Ouvrières dans une usine de textile à Phnom Penh. (Illustration) REUTERS
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Une jeune cliente ressort d'une boutique Zara, sac à la main. Elle a cédé à la tentation, comme souvent : « Tout le temps, je vais faire les boutiques très très souvent. » Pourtant, la jeune femme l'avoue, elle ne porte « pas beaucoup » tous ses vêtements. « J’achète en masse et après, je ne mets pas une tonne », conclut-elle. Qu'est-ce qui la pousse à acheter ? « TikTok et autres réseaux sociaux », concède-t-elle. 

En France, l'an dernier, environ 3,3 milliards d'articles textiles ont été mis sur le marché, soit une cinquantaine par habitant. C'est dix fois plus que ce que préconise l'ONG environnementale les Amis de la Terre (dont le rapport est à consulter ici) pour respecter l'accord de Paris : « Si on va sur les nouveautés du jour, là, on est à 84 pages, sachant que sur une page, il y a à peu près 120 modèles. »

L'ONG environnementale, qui a récemment publié une étude sur la marque chinoise Shein, avance plusieurs explications à l'ampleur de la consommation. Pierre Condamine, chargé de campagne surproduction aux Amis de la Terre, dénonce cette course à la nouveauté : « Il y a peut-être vingt, trente ans, les marques proposaient deux collections par an. Avec l’arrivée de la fast fashion, notamment Zara, H&M, etc., ça s’est accéléré, et on est à peu près à 52 collections par an pour ces enseignes-là. Et avec l’ultra fast fashion - Shein, mais pas que, Fashion Nova, Booho, etc.-, on est à plusieurs milliers de modèles par jour. Ça contribue à une obsolescence toujours plus rapide des produits. »

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Proposer toujours plus de nouveaux modèles n'est pas la seule stratégie : « Là, vous voyez qu’à peine on arrive sur le site, il y a un gros encart ‘'Soldes d’été’’. Là, 90% du site de Shein, c’est vraiment des offres promotionnelles ». Et il y a autant d'incitations à la consommation : « Il y a un ensemble de pratiques qui se basent sur les biais cognitifs, sur l’instinct des individus. Inconsciemment, ça va nous faire acheter. C’est ça qu’il faut réguler en premier lieu. »

Les Amis de la Terre vont même plus loin : « Notre objectif principal, c'est qu’il y ait un quota de vêtements commercialisés chaque année, mais que ce soit fait de manière juste. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on voit des enseignes de prêt-à-porter françaises qui s’effondrent les unes après les autres, donc il faut que ce que nous, on appelle quota, pèse principalement sur les plus grosses enseignes ».

« Il faut être un adepte du mieux »

Limiter la production, l'idée fait tiquer Yohann Petiot, le directeur général de l'Alliance du commerce qui représente différentes marques de prêt-à-porter en France, dont H&M : « Je ne suis pas sûr de totalement partager cela parce qu’en réalité, c’est derrière une vision de décroissance. Donc, je ne suis pas un adepte du moins, par contre, il faut être un adepte du mieux. »

Rapprocher les productions pour mieux gérer les stocks et limiter les invendus, voilà l'une des pistes qui commencent à être mises en place, assure Yohann Petiot. Une parmi d'autres : « Il y a d’abord tout le travail que l’on peut faire pour aller sur des matières plus durables, travailler avec des labels, des matières biologiques, des matières recyclées, aussi. »

Il n'empêche, plus vertueux ou pas, dans l'Union européenne, 12 kg de vêtements et de chaussures sont jetés par personne chaque année. La gestion des articles délaissés, le secteur s'y attelle. « Toutes les enseignes de mode paient une contribution pour financer la fin de vie de leurs produits, et c’est plus d’un milliard d’euros qui va être financé par les enseignes du secteur entre 2023 et 2028 pour justement mieux collecter leurs produits, mieux gérer leur fin de vie, pour travailler sur le recyclage », assure Yohann Petiot.

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Certaines enseignes se sont déjà lancées dans la collecte. Au-delà du recyclage, le marché de la seconde main se développe. La seconde main qui n'est pas la panacée, nuance Pierre Condamine : « Le réemploi n’a jamais pris de parts de marché au neuf. Pour l’instant, les deux augmentent. »

Autre problème, une partie des vêtements n'est ni réutilisée, ni recyclée, et finit dans des décharges, parfois à l'autre bout du monde.

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