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Série d’été - La pollution textile [5/5]: à Roubaix, des solutions contre la «fast fashion»

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Contre les conséquences de la «fast fashion», certains mettent en place des solutions.  C'est le cas de cette ancienne filature de Roubaix, au nord de la France.

Majdouline Sbaï (gauche) et Agathe Mouvielle (droite) dans les locaux de Fashion Green Hub
Majdouline Sbaï (gauche) et Agathe Mouvielle (droite) dans les locaux de Fashion Green Hub © Nathanael Vittrant/RFI
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Une immense halle de briques rouges illuminées par de grandes verrières : dans cette ancienne usine textile typique de la région, on tissait déjà la laine au 19e siècle. Avant son déclin, plus d’un millier d’ouvriers travaillaient ici. Ce sont eux qui ont fait de Roubaix la capitale du textile en France.

Et puis la ville a été frappée de plein fouet par la désindustrialisation. « Je suis née à Roubaix et j’ai vu s’effondrer les châteaux de l’industrie. Évidemment, comme toutes familles roubaisiennes, on a été marquées par le chômage de masse qui a touché toute la population ».

« On arriverait à de très belles choses »

Majdouline Sbaï est sociologue de l’environnement et présidente de Fashion Green Hub dans les Hauts-de-France : « La création de cet espace collaboratif est né du constat que la filière mode et habillement devait évoluer, par rapport à des questions environnementales, mais aussi sociales. »

Fashion Green Hub, c’est ce qu’on appelle un tiers lieu, un laboratoire d’idées installé en plein cœur de l’usine qui pousse les professionnels du textile à se réinventer. Et c’est ce qui a donné, par exemple, cette « matériauthèque ». « Ici, vous voyez ces morceaux de tissus... On recense tous les stocks dormants des entreprises de la région, pour aider les créateurs à utiliser cette matière. »

Agathe Mouvielle est ingénieure textile et elle pilote les opérations locales de Fashion Green Hub. « Aujourd’hui, on dit qu’il y a assez de textiles déjà produit dans le monde pour habiller toute la planète pendant 10 ans. Déjà, si on arrivait à simplement recenser toute la matière existante et designer de nouveaux produits à partir de cet existant, on arriverait à de très belles choses, mais il faut que ce soit ancré dans les process industriels, et c’est ça la marche qu’on a à passer aujourd’hui », explique-t-elle.

Ici, on trouve aussi quelques machines à coudre pour faire des essais. Et si le projet va plus loin, pour « passer cette marche industrielle », il suffit de traverser la cour de l’usine : « En face, on a un projet qui est né de Fashion Green qui s’appelle "atelier agile". C'est un atelier de fabrication à la demande, spécialisé dans le "recycling", le recyclage des matières, qui fabrique de la moyenne et de la grande série pour les entreprises de la région ».

Les machines historiques ont, pour la plupart, été vendues aux enchères à des industriels indiens à la fin des années 1990. Remplacées récemment par d’autres plus modernes et surtout conçues avec l’obsession de la sobriété. Même préoccupation pour la découpe du tissu, où c'est Cindy qui opère à la machine. « Vous avez un petit stock matières ici, ces matières peuvent être imprimées sur la grosse imprimante qui fonctionne comme une imprimante papier, et vous n’imprimez que la surface utile du produit. Les chutes, elles, restent blanches et repartent du coup chez un effilocheur pour être retransformées en fils », détaille-t-elle.

« Ça commence à prendre »

Six entreprises de la région ont investi ensemble pour mettre en commun l’appareil productif, l’atelier agile a par ailleurs le statut d’entreprise sociale et solidaire. Dans la salle d’à-côté, la plupart des « opératrices », des ouvrières qui font à nouveau résonner les lieux du cliquetis des machines à coudre, ont été formées et embauchées en CDI. « Sur une même journée on doit être en capacité de switcher d’une production de T-shirt le matin à un sac banane l’après-midi. On travaille à faire en sorte que la personne se sente fière de confectionner un article le plus complet possible ».

Dix ans après l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, Majdouline Sbaï est convaincue d’avoir démontré qu’un autre modèle était possible. « Beaucoup nous disaient, il y a 10 ans que "vous rêvez, vous êtes nostalgiques, jamais on ne refera de la fabrication textile ici". Nous, on avait la conviction que les changements dans les modes de consommation, mais aussi les alertes successives sur la question des droits humains et de l’impact environnemental allait pousser à aller vers le circuit court. Ce qui se passe ici, ce sont des frémissements, mais ça commence à prendre. » Le chemin sera long, mais il est tracé. Il n’y a qu’à suivre le fil.*

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